Avec Journal d'un cinéphile, Cinoche.com revisite périodiquement un film qui a marqué son époque, une production qui a divisé le public et/ou la critique, une oeuvre phare d'un artiste sur le point de proposer un nouveau projet, ou un long métrage qui nous avait filé entre les doigts au moment de sa sortie.
Aujourd'hui, nous nous penchons sur le cas de...
IN THE HEAT OF THE NIGHT (Dans la chaleur de la nuit)
Norman Jewison | Drame policier | États-Unis | 2004 | 110 minutes
Le cinéaste canadien Norman Jewison nous a quittés la semaine dernière, et question de rendre hommage à ses quelque cinq décennies de carrière, nous revisitons aujourd'hui son film le plus célèbre, In the Heat of the Night.
Et effectivement, le présent long métrage débute au beau milieu de la nuit, tandis qu'un agent de police patrouille les rues de la petite municipalité de Sparta, au Mississippi.
Lorsque le cadavre d'un riche industriel est retrouvé gisant sur un trottoir, les forces de l'ordre mettent tout en oeuvre pour retrouver le coupable.
Et comme nous sommes dans le Sud profond des États-Unis, au milieu des années 1960, lorsque notre bon policier tombe sur un voyageur afro-américain de passage dans la région, il n'en faut pas plus pour que ce dernier soit aussitôt considéré comme le principal suspect de l'affaire.
Sauf que l'individu en question est Virgil Tibbs (Sidney Poitier), un enquêteur de Philadelphie spécialisé dans les homicides.
Après avoir dû faire confirmer son identité, Tibbs est encouragé par son propre supérieur à épauler les autorités locales dans cet épineux dossier, en particulier le chef Bill Gillespie (Rod Steiger).
Bien que l'enquête serve ici de fil conducteur au récit - et que celle-ci soit aussi bien construite qu'engageante, notre attention est surtout dirigée vers l'expérience humaine tout sauf digne et édifiante que doit endurer Tibbs au coeur de cette société se montrant constamment hostile à son égard.
Du restaurant miteux où on refuse de le servir aux réflexions racistes aucunement voilées, en passant par la bande de voyous prêts à le passer à tabac, Tibbs doit constamment demeurer sur ses gardes, et ce, même s'il incarne une figure d'autorité.
Sidney Poitier est d'ailleurs parfait dans le rôle de cet homme droit, cherchant par tous les moyens à garder la tête froide, mais dont la colère et la frustration émanent néanmoins du regard.
« They call me Mister Tibbs », qui est assurément l'une des répliques les plus célèbres de la carrière de l'acteur, s'impose autant comme une riposte cinglante qu'un cri du coeur.
Et cet environnement inhospitalier finit même par déteindre sur le principal intéressé, au point de limiter son regard à une vision en tunnel à un certain point de son investigation. Gillespie réussira d'ailleurs à convaincre Tibbs de rester dans les parages un peu plus longtemps en piquant directement sa fierté et son ego.
Rod Steiger offre aussi une performance mémorable dans la peau de cet homme de loi foncièrement bon, mais meurtri, évoluant dans un milieu qui a fini par lui donner de mauvais plis, mais qui ne peut demeurer indifférent face à l'injustice et à la cruauté. Et pourtant, à l'opposé, ce dernier a aussi tendance à vouloir couper les coins ronds pour nommer un coupable et clore une enquête.
C'est dans ces individus complexes, imparfaits et en proie aux contradictions qu'In the Heat of the Night trouve autant son souffle dramatique que le sens de son discours.
La réalisation de Jewison, souple dans sa présentation des lieux et précise dans sa façon de filmer les actions, accompagnée par la musique de Quincy Jones, confère un style réaliste et un rythme tout aussi naturel à l'ensemble. Le long métrage paraît aussi concret, car il cherche justement à mélanger et à démêler les comportements, les différentes facettes d'une interaction humaine, les impulsions et les idées reçues, dans un contexte où tout est toujours à cran, et nécessiterait définitivement un pas de recul.
S'il s'agissait de la première de trois occasions où l'Oscar de la Meilleure réalisation allait échapper à Norman Jewison, In the Heat of the Night allait tout de même repartir avec cinq statuettes en avril 1968, soit celles du Meilleur film, du Meilleur acteur pour Rod Steiger, du Meilleur scénario, du Meilleur son et du Meilleur montage.
In the Heat of the Night est présentement disponible en formats DVD, Blu-ray et UHD 4K, ainsi qu'à l'achat ou à la location en vidéo sur demande.