« Play stupid games, win stupid prizes... »
Il y avait déjà de quoi être inquiet lorsque les premiers échos de la Mostra de Venise avançaient que Joker: Folie à Deux était loin, très loin, du niveau de qualité du premier opus, sorti en 2019.
Mais les fans demeuraient néanmoins optimistes. Lors de l'avant-première montréalaise, le 2 octobre dernier, quelques spectateurs ont même affiché clairement leur enthousiasme en se costumant en Joker, en Batman ou en Harley Quinn pour l'occasion.
Malheureusement, ces premières réactions étaient bel et bien fondées, et malgré ses indéniables qualités artistiques, Joker: Folie à Deux passera à l'histoire comme un échec cuisant. Le genre de fiasco qui, jadis, aurait compliqué la suite des choses pour certaines des personnes impliquées.
Il y a encore quelques années, le mauvais bouche-à-oreille n'aurait pas été suffisant pour empêcher une telle production de connaître au moins un bon premier week-end dans les cinémas. Mais le pire scénario s'est produit dans ce cas-ci, et le long métrage de Todd Phillips s'est écrasé au box-office en ne parvenant à amasser qu'un maigre 37,7 millions de dollars du côté de l'Amérique du Nord (comparativement aux 96,2 millions de dollars récoltés par Joker au moment de sa sortie).
Pour ajouter l'insulte à l'injure, Joker: Folie à Deux a même fait pire que les sommes amassées respectivement par Morbius, The Marvels et The Flash au cours de leurs trois premiers jours d'exploitation.
Puis, en début de semaine, il a été révélé qu'aucune projection test n'avait été organisée pour prendre le pouls du public et corriger le tir au besoin, que Todd Phillips avait passablement pris ses distances avec DC et Warner durant la production pour n'en faire qu'à sa tête, et que la promotion entourant la sortie du film en vidéo sur demande avait déjà commencé - ce qui est pour le moins anormal pour la suite d'un film ayant tout de même amassé plus d'un milliard de dollars au box-office.
Joker: Folie à Deux est une oeuvre qui trace la ligne entre avoir une bonne idée et avoir l'inspiration nécessaire pour en tirer quelque chose de substantiel.
Le problème n'est pas qu'il s'agisse d'un drame musical. Le problème, c'est que la présence desdits numéros musicaux n'est jamais justifiée d'aucune façon par le scénario durant les longues 138 minutes sur lesquelles s'éternise le présent exercice.
Voir Arthur Fleck danser la claquette était non seulement absent de notre carte de bingo pour l'année 2024, mais aussi de la liste des choses que nous espérions voir dans un film du genre. Et nous ne demandions pourtant qu'à être surpris...
Depuis quelques années, la faute est souvent mise sur les « fans toxiques » quand un projet ayant coûté quelques centaines de millions de dollars ne parvient pas à faire ses frais. Le fameux « fan service » semble être désormais évité comme la peste par des studios, qui proposent des scénarios permettant davantage aux créateurs de se donner une bonne tape dans le dos au nom de la morale que d'offrir au public un divertissement réellement intéressant.
Disney a particulièrement payé les frais de ce relâchement créatif au cours des dernières années, alors que Pixar, Marvel Studios et Lucasfilm ont tous essuyé des pertes importantes en refusant d'admettre que cette baisse de régime était due à une baisse drastique au niveau de la qualité des films et des séries proposés, et rien d'autre.
L'idée ici n'est pas de jouer de prudence, car les cinéphiles seront toujours prêts à accueillir à bras ouverts une proposition plus risquée et insolite si elle a moindrement de la suite dans les idées - ce qui n'est définitivement pas le cas de Joker: Folie à Deux.
Après la mort du DCEU l'an dernier, les temps sont particulièrement durs pour Warner Bros., qui devrait ajouter une autre perte d'environ 150 millions de dollars à la dette astronomique de 39 milliards de dollars du groupe Warner Discovery.
La question est maintenant de savoir combien de millions de dollars les grands studios américains sont encore prêts à jeter par les fenêtres avant de revoir leur stratégie pour rejoindre les attentes d'un public qui est loin d'être difficile à contenter.
Car les fans ont clairement fait parler leur portefeuille depuis la fin de la pandémie et la hausse de l'inflation. Et les valeurs sûres sont maintenant chose du passé.
Si le coeur vous en dit, Joker: Folie à Deux est présentement à l'affiche partout au Québec.