Avec Humane (Humain en version française), Caitlin Cronenberg propose un premier long métrage s'inscrivant dans la plus pure tradition de la cinématographie familiale, tout en amenant la race humaine au bord d'un précipice qu'elle ne pourra probablement plus éviter encore très longtemps.
Contrairement à l'humoriste Bill Burr, qui proposait dans l'un de ses savoureux monologues de régler le problème de surpopulation de la planète en torpillant un bateau de croisière au hasard de temps à autre, Cronenberg nous confronte à une réalité où les gouvernements des quatre coins du globe se sont entendus sur un quota à atteindre pour réduire la densité de la population mondiale.
Pour inciter les gens ordinaires à se sacrifier pour la bonne cause, une large contribution monétaire est remise à la famille des défunts volontaires.
C'est dans ce contexte que l'ancien reporter Charles York (Peter Gallagher) invite un soir ses enfants à la demeure familiale pour annoncer qu'il a l'intention de mettre fin à ses jours. Mais la soirée ne se passe pas tout à fait comme prévu, et les héritiers doivent soudainement décider lequel d'entre eux devra accompagner leur père dans sa tombe.
Nous avons eu la chance de nous entretenir avec la cinéaste canadienne, qui signe une oeuvre relevant des inquiétudes beaucoup plus tangibles que nous sommes probablement prêts à nous l'admettre.
Mais avant les considérations d'ordre sociopolitique et climatique, c'est le désir de raconter un drame familial de façon quelque peu insolite qui motivait la principale intéressée.
« Je voulais explorer ce qu'une famille ferait dans des circonstances aussi exceptionnelles, tout en abordant, de façon plus large, l'actuelle crise climatique. Je ne voulais pas faire un film sur les changements climatiques, mais je crois que ça ajoutait à l'urgence de cette mise en situation », explique-t-elle.
« J'ai fait attention de ne pas adopter un ton moralisateur. Je ne crois pas que c'était approprié pour moi de chercher à donner des leçons. Les gens devraient s'informer eux-mêmes sur ce qui se passe dans le monde. Mon film est là avant tout pour divertir. »
Cronenberg et le scénariste Michael Sparaga effectuent d'ailleurs un travail tout à fait concluant pour fournir dès le départ au spectateur tous les éléments dont il a besoin pour comprendre le contexte avec lequel les personnages doivent composer. Le tout permet par la suite au duo de se concentrer pleinement sur cette réalité devenant encore plus concrète aux yeux des protagonistes.
« Nous avons eu de nombreuses discussions à savoir à quel moment nous devrions expliquer ce qu'est l'enrôlement [...] En n'en faisant pas un élément de surprise, cela faisait en sorte que l'instant où Charles fait part de son intention de s'enrôler, nous savons précisément ce que cela signifie. Nous avons néanmoins fait très attention de ne pas trop nous éparpiller dans les explications, tout en faisant toujours confiance au public », souligne la réalisatrice.
Image du film Humane - Entract Films
Humane fait évidemment le pari audacieux d'aborder ces sujets on ne peut plus d'actualité par l'entremise de la problématique de la surpopulation. Si des moyens pour limiter la croissance démographique ont déjà été adoptés dans certaines parties du monde, ce n'est pas le cas dans un vaste pays comme le Canada. Mais la situation climatique pourrait potentiellement changer la donne...
« J'espère que nous n'en arriverons jamais là, ce serait terrifiant. Je sens néanmoins que nous sommes près de devoir adopter des changements radicaux dans notre façon de vivre pour donner un coup de pouce à la planète. Cela semble définitivement imminent », soutient Caitlin Cronenberg.
Humane n'aborde d'ailleurs pas ses principaux enjeux de manière frontale, regorgeant plutôt de menus détails nous laissant entrevoir les rouages et les catastrophes de cet avenir dystopique, de l'emploi de pellicules et de parapluies pour se protéger des rayons du soleil, aux rues désertes au beau milieu de l'après-midi, en passant par les mentions horrifiantes de l'état des grands espaces verts de la planète.
Et encore là, le film sous-entend que l'humanité ne fera que s'adapter sans broncher à ces nouvelles conditions, aussi invivables puissent-elles être.
« Humane a été écrit avant la COVID-19. Lorsque nous étions en pré-production, nous avons vu la façon dont plusieurs entreprises ont tenté de faire de l'argent en vendant des masques [...] C'était notre inspiration pour les parapluies. Et je crois que c'est un phénomène auquel nous pourrions malheureusement être confronté de notre vivant. »
Le tout est également livré sur un ton grinçant, Cronenberg, Sparaga et les différents interprètes (notamment Jay Baruchel, Emily Hampshire et Enrico Colantoni) ne lésinant pas sur l'humour noir pour accentuer l'impact du discours. Un élément qui était primordial aux yeux de la réalisatrice.
« Je crois que les gens sont intrinsèquement drôles dans les situations les plus sombres et chaotiques. C'est un mécanisme de défense, et je voulais vraiment que cela se manifeste, je voulais que le film soit agréable à regarder », explique Caitlin Cronenberg.
« La prémisse aurait pu rapidement bifurquer vers quelque chose de plus lourd et déprimant que vous n'auriez pas nécessairement eu envie de revoir par la suite. Une version différente du film aurait pu être ainsi, mais ce n'est pas ce que je voulais. Je sens que j'ai été suffisamment déprimée par l'état du monde, et il y a des films plus sérieux qui se doivent, certes, de l'être [...] L'humour est venu naturellement aux personnages et au récit. J'avais l'impression de tourner un film que j'aurais envie de regarder. »
Humane est disponible dès maintenant en Vidéo sur demande.