Rencontré dans le cadre de la sortie de Marécages, le réalisateur Guy Édoin entièrement dédié au cinéma. Pour lui, aucun autre médium n'aurait pu raconter l'histoire de son premier long métrage. « Je ne me serais pas vu la raconter autrement. C'est trop complexe pour un court métrage, ce n'est pas de la télé... Au cinéma, on a le temps du silence, on a le temps de prendre le temps, on a le temps d'installer les choses. C'est une histoire qui a un certain mood, et le cinéma était le plus propice pour ça. »
« Je raconte mes films en images, je fais un cinéma de peu de mots, dans ce sens-là ça ne pourrait pas être autre chose qu'un film. C'est une expérience qui est viscérale, qui est visuelle, où on accorde beaucoup d'importance à comment les scènes sont filmées, au cadre, je travaille par tableaux, j'aime créer des tableaux, créer des ambiances. On a travaillé extrêmement le son sur ce film-là. »
« L'expérience cinématographique me permet vraiment de raconter cette histoire-là. »
Cette histoire a-t-elle toujours été celle qui allait devenir ce premier long métrage? « Oui. J'ai développé les trois idées de mes courts à l'université. À la fin on préparait un projet de long métrage, donc l'idée a été couchée sur papier il y a 6 ou 7 ans. Après ça mûri, ça été très dépouillé, épuré, mais la base du scénario est essentiellement la même depuis le début : une famille, un accident, un survenant et une relation mère-fils. »
Les acteurs ont dû s'imprégner du travail de la ferme. « Avant le tournage, au lieu de faire des répétitions de table, je les ai emmenés faire la traie, pelleter de la marde, traire les vaches; tout le monde a eu droit à ce passage obligé là, qui a fait en sorte qu'ils ont développé une acuité pour le travail de ferme. Ils voyaient surtout mes parents agir - parce que la ferme continuait de fonctionner pendant le tournage - mais le fait de les immerger dans ce milieu-là a certainement influencé leur personnage. »
« Le plateau s'est mis à battre au rythme de la ferme; on n'avait pas le choix. On ne pouvait pas décider de traite les vaches l'après-midi, ça ne marche pas. Juste faire les foins : il fallait prévoir cinq jours d'avance, couper le foin, le faire sécher, le faner, le racler, pour que nous on puisse filmer. »
Pourquoi avoir choisi ces acteurs-là? « C'est vraiment des rencontres. Je leur demandais d'aller explorer des zones qui n'étaient pas faciles à aller explorer, mais leur trait commun, c'est qu'ils sont généreux. Pascale se dépouille corps et âme dans ce film-là. »
« Ce sont tous des acteurs qui travaillent différemment aussi : François questionne beaucoup, il challenge, Luc aussi, toute la gang a 10 000 questions, mais après c'est à eux d'habiter le personnage. Je suis pour la meilleure idée, si elle ne vient pas de moi tant pis. Les acteurs arrivent avec leur bagage, et on s'entend aussi que je ne travaille pas avec des débutants. »
Une fois à l'étape du montage, qu'apprend-on sur le film? « Après avoir passé l'été au grand air ça déprime un peu de se retrouver dans cette petite pièce bien straight, pas de fenêtre, mais pour moi - je ne suis pas le premier à dire ça - le montage est vraiment une troisième écriture. À partir de là, il faut oublier, il ne faut pas rester attaché émotionnellement au matériel. Par exemple : on a enlevé une trame narrative, qui va être sur le DVD, où il y avait une épidémie de rage chez les ratons-laveurs. Le film commençait comme ça. J'ai tourné une journée avec deux hélicoptères en plein ciel, ça coûté la peau des fesses... mais on s'en rendu compte, pas que c'était pas beau, pas que c'était pas intéressant, juste que ça nous prenait trop de temps avant d'arriver à la famille. »
Les cinéphiles des régions seront-ils au rendez-vous? « On ne sait jamais. Mais le film, malgré son côté exigeant, reste du storytelling. C'est une histoire qui est racontée, et il y a quand même un rythme soutenu, même s'il est lent. Je serais touché que le film fonctionne bien en région aussi. »
Pascale Bussières, Gabriel Maillé, François Papineau et Luc Picard sont les acteurs principaux du film qui prend l'affiche aujourd'hui.