L'acteur français Guillaume Gallienne a écrit et réalisé son premier long métrage, Les garçons et Guillaume, à table!, d'après une pièce de théâtre autobiographique montée en 2008 dans laquelle il interprétait tous les personnages. Six ans plus tard, le long métrage a remporté cinq César dont celui de meilleur film, et a rejoint plus de 2,1 millions de spectateurs dans les salles françaises depuis sa sortie en novembre dernier.
Le film est présenté dans les salles depuis vendredi à Montréal et prendra l'affiche ailleurs au Québec dès vendredi. Nous avons rencontré l'acteur, réalisateur et scénariste vendredi lors de son passage à Montréal.
« Je trouvais important d'avoir une légèreté de ton pour ne jamais tomber dans le règlement de compte ou dans la plainte, mais surtout pour correspondre au milieu que je voulais filmer, qui est cette grande bourgeoisie qui est à la fois corsetée et animée par la notion de « never explain, never complain ». Je trouvais ça nécessaire au cadre de l'histoire d'avoir ce ton-là. »
« En même temps, c'est vraiment un film sur la naissance d'un acteur, et c'est pour ça que j'ai voulu jouer ma mère. Et puis le personnage est plus fort que le travestissement, les gens oublient que c'est moi. J'espère qu'ils comprennent à quel point moi-même j'ai pu m'oublier là-dedans, en la jouant, en l'incarnant. La schizophrénie est latente, j'ai failli me perdre. »
Comment vous observez-vous pour vous jouer vous-même? « C'est moi-même mais ça ne l'est plus... Très longtemps dans le film je suis cet espère d'ado trop passif, et je ne suis plus cet adolescent trop passif et peureux de tout. Même quand je joue le narrateur, je joue l'acteur. C'est assez proustien comme vision, c'est ma vérité, ce n'est pas la vérité. Après, le théâtre est filmé un peu comme un documentaire, en gros plans, contrairement à la fiction qui au départ est vraiment filmé de manière très théâtrale. »
« Au fur et à mesure que le personnage se lève enfin et se débarrasse des clichés et des étiquettes pour devenir acteur actif, ça s'épure et le théâtre et la réalité se rejoignent. C'est ce qui s'est passé dans ma vie, c'est le théâtre qui m'a donné prise avec la réalité. Avant je me faisais des films, pour me sauver, dans tous les sens du terme. »
Vous vous dirigez vous-même... « J'avais Claude Mathieu, la metteure en scène du théâtre qui était derrière la caméra, mais je l'ai tellement joué, je le savais tellement, je connaissais le rythme. C'est une question de rythme... »
Comment se comparent le jeu au théâtre et le jeu au cinéma? « Là où c'est la même chose c'est qu'on raconte une histoire et qu'on a la responsabilité d'un acte, qui s'inscrit dans une écriture, dans l'imaginaire d'un metteur en scène et dans un travail de groupe. »
« Dans les deux cas moi j'ai besoin de reconstituer un sentiment de troupe, je n'aime pas jouer seul, c'est pour ça que j'ai arrêté le spectacle parce que ça me rend, au bout d'un moment, trop précis et trop habile, qui sont des ennemis pour moi. C'est une histoire de rythme et de somme des présents, étalés dans un temps de tournage et reconcentrés dans un temps de montage, alors que le théâtre est une somme de présents étalés dans une somme de répétitions et reconcentrés dans une représentation. »
« En même temps, il m'est arrivé en tournage d'utiliser l'usure du temps de tournage au service de mon jeu, tout comme je le fais forcément, volontairement ou pas, dans la représentation chaque soir. J'aime bien partir de l'instant présent. »
Au théâtre, vous pouvez sentir la salle, pas au cinéma... envisagiez-vous les réactions du public? « Je n'ai pas présagé à ce point-là. Moi j'ai juste voulu faire une comédie sur les clichés, et aussi raconter la naissance d'un acteur. Il se trouve que des gens ont été vraiment touchés, soient se sont reconnus dans une quête d'identité, d'autres ont eu l'impression de reconnaître leur mère, d'autres ont été touchés par le courage d'un jeune homme qui dépasse ses peurs, d'autres par une déclaration d'amour aux femmes... »
« C'est l'histoire qui m'a décidé à la raconter et à comment la raconter, c'était pas ce que ça ferait au public. »
Les garçons et Guillaume, à table! est distribué par Les Films Séville.