La comédie dramatique Les petits mouchoirs, de Guillaume Canet, prend l'affiche au Québec ce vendredi. Paru en France le 20 octobre 2010, le film a récolté plus de 5,3 millions d'entrées, ce qui en fait le film français le plus populaire de l'année dans l'Hexagone. Rencontré à Paris en début d'année, il revient sur une expérience particulièrement touchante et personnelle pour lui.
Comment l'idée du scénario vous est-elle venue? « Je ne voulais pas faire un film sur ce sujet-là. Je travaillais sur un autre scénario, et je suis allé en vacances avec des amis à Cap-Ferret, là où j'ai tourné le film. J'ai réalisé qu'on peut passer deux semaines avec des amis sans vraiment leur parler de choses profondes et importantes. On reste à la surface, on fait semblant que tout va bien parce qu'on n'a que deux semaines de vacances. On évite de dire la vérité. »
« En fait, on vit beaucoup dans ces petits mensonges : ceux qu'on fait aux autres, et ceux qu'on se fait à soi-même. Je me suis posé beaucoup de questions et j'ai réalisé que je voulais faire un film sur ces petits mensonges, ces choses qu'on pousse sous le tapis parce qu'on ne veut pas les voir. « Les petits mouchoirs », c'est une expression que j'ai entendue quand j'étais enfant et qui veut dire de mettre un mouchoir sur un problème, sur les choses qu'on veut oublier. »
Est-ce votre film le plus personnel? « Oui, de plusieurs façons. J'ai commencé à écrire ce film après Ne le dis à personne. J'avais vécu des choses folles et compliquées dans ma vie où j'ai réalisé que je n'avais pas fait les bons choix, que je m'étais un peu perdu dans le travail. Je m'étais éloigné de personnes que j'aimais, des amis surtout. »
Ce sont des personnages très différents, très éloignés même s'ils sont amis. « Ils sont égoïstes, ils ont des problèmes, mais je voulais qu'ils soient touchants. Le fait que tous les gens dans le film sont des gens que je connais et que j'aime depuis longtemps, cela rend le film très personnel. Je connais Jean Dujardin depuis que j'ai 9 ans. Benoît Magimel que je connais depuis 18 ans. Marion que je connais depuis 14 ans, Gilles, François aussi. Ce sont des amis, ils se connaissent bien. L'équipe technique est la même depuis mon premier court métrage. »
Il y a des avantages à travailler avec des amis, mais y a-t-il aussi des inconvénients? « Même si tes amis t'aiment et te respectent, toi et ton travail, ils ont tendance à commencer à s'amuser plutôt qu'à travailler. Pour moi, ce n'était pas une récréation. Je n'étais pas heureux, j'étais très concentré et plutôt désagréable. Je savais qu'il fallait faire le choix d'être leur ami et de sortir de mon film ou d'être détesté pour quelques temps. »
Est-ce que cette proximité avec les gens et le sujet vous a rendu le montage plus difficile? « Le film original durait quatre heures. Bien sûr, c'était beaucoup trop long. Même si 2h35, qui est la durée finale du film, c'est encore trop long, c'était très difficile pour moi de couper davantage. J'ai essayé de couper, mais certains personnages étaient exclus du film. Quand j'ai terminé le montage, nous avons fait des projections tests, et nous avons reçu plusieurs critiques - l'aspect mélodramatique, l'émotion trop appuyée - mais personne n'a parlé de la longueur du film. Je suis d'accord avec les critiques, mais je voulais que le film soit comme ça. Je ne voulais pas que ce soit trop court, parce qu'on ne peut pas parler de la perte de quelqu'un et régler le problème en cinq minutes. Je voulais montrer les personnages, qui ont été si égoïstes, qui réalisent à ce moment qui ils sont et qui ils veulent devenir. »
Avez-vous l'impression d'avoir soigné une blessure en faisant ce film? « Totalement. On ne peut pas dire d'un film qu'il est personnel sans dire des choses personnelles. J'ai pleuré en écrivant la fin du film, parce que j'ai réalisé plusieurs choses. Faire ce film m'a appris à avoir des émotions, ce qui est une bonne chose. »
Votre travail d'acteur vous aide-t-il dans votre travail de réalisateur? « C'est merveilleux de pouvoir pratiquer les deux métiers. J'apprends beaucoup quand je suis acteur sur le métier de réalisateur, parce que je vois des détails, d'apprendre à faire les choses avec un autre réalisateur. Comme réalisateur, j'apprends beaucoup sur le métier d'acteur. J'ai la chance de faire les deux, je n'ai pas à attendre des rôles, attendre que les réalisateurs m'appellent. Je peux prendre le temps de travailler sur l'écriture et la réalisation. J'adorerais continuer à faire les deux. »
« Si je devais absolument choisir, je ne ferais que réalisateur des films dans lesquels je joue. »
Les petits mouchoirs prend l'affiche à Montréal et à Québec ce vendredi. Le film met en vedette François Cluzet, Marion Cotillard, Benoît Magimel, Gilles Lellouche et Jean Dujardin.