La petite et le vieux, l'adaptation du roman éponyme de Marie-Renée Lavoie (paru en 2010 aux éditions XYZ), a certainement tous les ingrédients pour séduire un très large public.
À travers toute la bienveillance émanant de cette rencontre entre trois générations ayant beaucoup à apprendre l'une de l'autre, le nouveau long métrage de Patrice Sauvé est également porté par une distribution de haut niveau.
Nous avons eu l'opportunité de nous entretenir avec Gildor Roy, Vincent-Guillaume Otis, Marilyn Castonguay et Juliette Bharucha, à quelques jours de la sortie du film sur les écrans de la Belle Province.
D'emblée, le quatuor n'avait pas eu l'opportunité de lire le roman avant d'être approché par Patrice Sauvé pour prendre part au projet. Emballé par le scénario, Gildor Roy était déjà heureux d'être considéré par le cinéaste, qu'il n'avait jamais rencontré auparavant.
Pour Vincent-Guillaume Otis, qui a grandi dans les lieux où l'histoire prend racine, le projet sonnait, évidemment, une cloche quelque peu différente.
« J'ai vraiment été aspiré par cette oeuvre extraordinaire, et je me suis rendu compte que Marie-Renée Lavoie a à peu près le même âge que moi, et qu'on est né dans le même quartier, à Québec. En lisant le roman, j'étais appelé par tous les lieux qu'elle décrivait, je les reconnaissais. Je revivais mon enfance à travers les yeux d'Hélène et de Joe », confie l'interprète de la figure paternelle du film.
La petite et le vieux est évidemment une histoire sur l'enfance se déployant à une époque révolue (le début des années 1980), mais qui ne cherche pas qu'à faire vibrer une certaine fibre nostalgique chez le spectateur. Il s'agit avant tout d'un récit portant sur l'ouverture à l'autre, sur l'importance d'aller au-delà des jugements hâtifs et des préjugés, de comprendre que, derrière chaque comportement, il y a un vécu.
« C'est facile de décider que quelqu'un est un 'freak' [...] Roger, c'est la preuve que la vie vaut la peine d'être vécue. Même s'il chiale, même s'il a beaucoup d'amour et de connaissance à donner, il ne trouve personne à qui les transmettre. Ça vaut la peine de 'tougher', parce qu'il finit par trouver quelqu'un », souligne Gildor Roy.
« On est beaucoup dans la peur, et on voit tout de suite l'affaire qui cloche. On est beaucoup dans le jugement, au lieu d'apprendre à connaître et à découvrir l'humanité du monde [...] Tout le monde fait ce qu'il peut avec le chemin qu'il a, et ça n'enlève pas l'humanité, la générosité et l'amour que ces gens-là peuvent avoir », enchérit Marilyn Castonguay.
À cet égard, les principaux personnages jouissent tous d'une belle complexité, allant bien au-delà de leurs traits les plus flagrants, et se manifestant souvent dans des petits détails auxquels les principaux intéressés arrivent à conférer tout le poids voulu.
« Patrice Sauvé, c'est un maître d'oeuvre pour donner une humanité aux personnages. Quand tu lis le scénario de façon très rationnelle, tu vois que le père est un homme dépressif, malheureux et alcoolique. Mais on a aussi voulu en faire quelqu'un de mélancolique et de profondément amoureux de ses enfants. Il n'abandonne personne, il n'est pas agressif et il tient à ses filles. On ne voulait pas en faire quelqu'un de démoralisant », explique Vincent-Guillaume Otis.
Le long métrage se penche aussi sur la façon dont les jeunes de l'époque revisitée étaient poussés beaucoup plus rapidement vers l'âge adulte. Se tenant bien loin de l'épineux « c'était bien mieux avant », La petite et le vieux pousse plutôt à la réflexion par rapport à ce qui a changé, ce qui a évolué ou régressé, ce qui est « pareil mais différent ».
« Il y avait plus de dangers, mais on était moins conscient. Jamais j'enverrais ma fille de neuf ans livrer des journaux le matin en vélo. J'aurais peur de mille affaires. Mais eux, ils l'envoyaient. C'est comme s'ils devenaient rapidement des petits adultes. Les parents aimaient leurs enfants, mais ils n'avaient pas le temps de se soucier de ça », soutient Marilyn Castonguay.
« Notre système D, on ne le développe plus qu'à moitié. On est beaucoup dans l'émotion, et l'écoute de nos émotions. On s'inquiète et on couve beaucoup. On responsabilise les enfants beaucoup plus tard qu'avant, on les garde petits longtemps. Parce qu'il faut que ça aille vite, on fait les choses à leur place, on a peur de la crise, et on achète la paix, parce qu'on est brûlé. »
Ce qui retient aussi l'attention, c'est l'arrivée par la grande porte de la jeune Juliette Bharucha qui, pour son premier rôle au cinéma, a hérité d'un mandat pour le moins costaud. Les vétérans avec qui elle a eu la chance de travailler soulignent, d'ailleurs, qu'une telle collaboration vient avec certaines responsabilités.
« C'est particulier, parce que c'est une enfant, ce n'est pas quelqu'un qui sort d'une école de théâtre et qui a une formation. Elle part de zéro. [...] Il faut que tu les accompagnes là-dedans pour qu'ils voient que c'est un travail d'adulte. Mais il faut que tu rendes l'expérience agréable pour eux », explique Vincent-Guillaume Otis.
« J'ai travaillé avec quelques jeunes dans ma carrière, et c'est une des plus professionnelles avec qui j'ai travaillé. On dirait qu'elle a fait ça toute sa vie. Elle est toujours à son affaire et hyper rigoureuse. »
« Moi, ce qui m'intéressait, c'était d'avoir une vraie 'partner', pas quelqu'un qui est tout le temps sur les réseaux sociaux. Juliette, ça lui tentait d'être une actrice, pas une vedette [...] On avait des discussions sur la vie, la mort, comment c'est vieillir, le métier... Au bout d'une heure, je savais que j'avais une 'partner' », se souvient Gildor Roy.
La jeune comédienne a été choisie parmi 90 jeunes filles rencontrées au début de l'année 2023 pour incarner le rôle d'Hélène (alias Joe). Aux yeux de la principale intéressée, ce premier contact avec le septième art n'aurait pu mieux se passer.
« C'est tellement du monde gentil, c'était vraiment facile, tout le monde était super intéressé et investi dans le projet », se remémore la nouvelle venue, soulignant au passage que ses partenaires de jeu l'ont encouragée à prendre sa place, à travailler dans le plaisir, et surtout à prendre la parole en cas d'hésitation.
Cette rencontre entre trois générations à l'écran s'est également reflétée dans l'ambiance qui régnait sur le plateau.
« Il y a bien des scènes qui sont à peine jouées », conclut Gildor Roy.
La petite et le vieux prend l'affiche partout au Québec ce vendredi 4 octobre.