Le réalisateur des courts métrage L'air de rien et Des tyrants d'eau, Frédérick Pelletier, présente avec Diego Star son premier long métrage de fiction. Tourné à Lévis, notamment au chantier naval de la Davie, le film raconte l'histoire de Traoré, un marin sur le Diego Star, qui est tenu responsable d'un incident qui force des réparations majeures sur le bateau. Tandis qu'il essaie de dénoncer les conditions salariales sur le bateau, il est logé chez Fanny, une jeune mère monoparentale des environs.
Le film met en vedette Chloé Bourgeois (Tout est parfait) et Issaka Sawadogo.
Quels éléments tirés de votre expérience précédente servent à réaliser un long métrage? « Un peu tout. Je réalise que j'ai eu trois écoles de cinéma : à Concordia, où j'ai pu faire des films, me casser la gueule, faire des mauvais films, mais exercer le muscle de la réalisation. Après ça, à la Cinémathèque, une école de la cinéphilie. Je ne peux pas te dire combien de centaines et de milliers de films j'ai vus. Tout se mélange, mais j'en garde quand même la trace. C'est un bagage d'images en moi. »
« Hors Champ ça a été plus une genre d'école au niveau de l'éthique, du sens d'un film, de la hauteur de regard d'un film. Il y avait beaucoup la question de comment on regarde et de comment on représente les choses. L'éthique liée à l'image, la question du documentaire. Ce sont toutes des expertises, des expériences différentes qui viennent nourrir la façon de me commettre mon premier long métrage. »
L'objectif est donc de raconter une histoire et de créer une réaction auprès du spectateur? « Ça se mélange, oui. Je pense que pour créer des réactions il faut raconter une histoire. C'est comme une blague, il faut préparer le punch ou le malaise. L'envie de conter une histoire elle est fondamentalement là. En même temps, quand je prends mon rôle de spectateur, c'est sûr que les films que j'aime sont ceux qui ne vont pas laisser tout à fait indemne. »
Y a-t-il l'intention de faire un conte social? « Peut-être un peu. Je ne l'ai pas vu comme un conte nécessairement, mais il y a peut-être l'idée... Je n'ai jamais voulu faire de conte social en faisant Diego Star, mais c'est sûr que j'ai voulu dire des choses sur le monde dans lequel on vit, sur le rapport à l'argent, poser des questions parfois plus théoriques : est-ce que deux personnes dans une situation précaire vont avoir tendance à s'épauler, ou au contraire à se compétitionner pour le chèque qui est sur la table? »
« C'est un peu théorique, mais quand tu contes bien ton histoire, tout ça se dilue dedans. C'est un peu comme filmer un paysage; je filme le fleuve St-Laurent en hiver, mais pratiquement jamais en plan large. Tu sens le paysage, sans le voir vraiment. »
Vous êtes natif de Lévis. C'est donc l'image du chantier qui mène à la situation initiale du film? « C'est un grand-père marin, qui a navigué toute sa vie, qui est devenu ingénieur au chantier. Si je regarde mes deux courts métrages et mon long métrage, tous sont tournés à Lévis, et tous autour du chantier et du fleuve. Le fleuve m'habite beaucoup dans mon imaginaire, il y a des choses que je trouve juste belles à filmer. »
« Le chantier c'est la plus vieille industrie lourde au Canada, c'est le plus grand chantier naval au Canada, et il est en faillite. C'est quand même important dans ton rapport à l'économie. L'industrie maritime au Canada est une des premières pertes qu'on a eues suite à la mondialisation, très tôt c'est un domaine qui a été délocalisé. Je tourne autour du chantier en posant un peu ces questions-là; pas de façon directe, mais pour moi elles sont là. »
Et les comédiens? « Je crois fondamentalement qu'un bon casting c'est 50% de la job de réalisateur qui est faite. Si tu as la bonne personne pour faire le bon rôle, quelque chose se fait naturellement. J'ai mis beaucoup d'énergie pour trouver Issaka et Chloé. Ils ont quelque chose de très particulier en commun, c'est deux autodidactes, c'est des gens qui ont un talent très très naturel. »
Diego Star est distribué par Métrople Films et prend l'affiche ce vendredi.