Qui n'a jamais joué à des jeux de rôles de type Donjons & Dragons? Il est si facile de s'y perdre et d'oublier la réalité. C'est ce qui arrive à Charles (Éric K. Boulianne) et ses amis qui passent tous leur temps libre dans le monde de Farador. Jusqu'au jour où une femme (Catherine Brunet) vient troubler leur quotidien...
Pour son premier long métrage, le réalisateur Édouard Albernhe-Tremblay analyse les rouages de l'amitié par le biais du fantastique, créant une oeuvre tour à tour ludique, tendre et comique. Cinoche.com s'est entretenu avec lui.
Ce projet est né en 2006 avec votre court métrage La bataille de Farador. Selon vous, pour quelles raisons le film est devenu culte?
J'ai fait le court métrage en trois jours dans un festival de films de science-fiction et après, il s'est mis à faire le tour du monde et à gagner des prix du public dans les festivals. Je pense que c'est un court métrage qui a beaucoup résonné dans la culture geek, dans le temps où elle n'était pas autant mainstream... Quand j'ai vu qu'il y avait des millions de vues sur Internet, je me suis dit que je pourrais en faire un long.
Quel est le travail d'adaptation pour que le résultat final ne ressemble pas à une version allongée du court métrage?
Le court métrage est une scène très anecdotique qui cumule avec un gros gag. Je savais que je ne pouvais pas le gonfler et faire ça en long métrage. L'important était de donner de la vie à ces personnages-là, qu'ils soient attendrissants. Je ne voulais pas rire d'eux. Je voulais aussi respecter l'univers des jeux de rôles et non faire un film juste sur les jeux de rôles. Il fallait mettre beaucoup plus de chair autour de l'os... Le vrai défi a été de vulgariser cet univers-là et de jouer avec les codes pour que tout le monde comprenne, pas juste les adeptes de jeux de rôles. Le court métrage est très hermétique. Tandis que quand tu te retrouves à faire un long métrage pour le grand public, tu veux divertir. C'est une comédie et tu dois avoir d'autres enjeux que le jeu de rôle.
Farador est un récit d'apprentissage absurde et décalé dans la lignée de Tu dors Nicole de Stéphane Lafleur, qui serait croisé avec l'esprit d'une production de Judd Apatow. Alors que les escapades fantastiques à Farador sont un prétexte pour parler d'autres choses....
Le but est de me servir de l'univers de Farador pour faire des ponts avec les conflits de la vie, de les illustrer de façons humoristiques. Quand les gens jouent, ce sont comme leur exutoire. Les problèmes qu'ils ont dans la vraie vie se perpétuent un peu dans l'univers fantastique et se règlent de façons plus drôles dans l'univers fantastique que dans la vraie vie.
Selon vous, qu'est-ce que le long métrage dit sur les gens d'aujourd'hui? Que ce soit sur la difficulté de grandir ou l'aliénation du quotidien?
Le film traite de thèmes universels comme l'amitié et les propres limites qu'on s'impose pour atteindre nos rêves. C'est un coming-of-age pour passer de l'adulescent à la vie adulte, mais sans porter non plus un regard moralisateur là-dessus. Le but, ce n'est pas de critiquer les gens qui jouent aux jeux de rôles. C'est plutôt de communiquer la passion qu'ils ont. J'ai beaucoup joué à ça quand j'étais jeune. J'ai un grand amour et respect pour cet univers-là et je ne voulais pas en faire une bouffonnerie. Ça me tentait que les personnages soient assez touchants pour qu'on sente de l'empathie envers eux.
Vous avez écrit la première version du scénario il y a 12 ans et vous, vous êtes entourés de quelques coscénaristes afin d'y insuffler du sang neuf, dont Érik K. Boulianne (Le plongeur, Viking). Vous avez même fait appel à ce dernier pour interpréter le rôle principal. Une présence qui n'est pas sans évoquer un certain Seth Rogen...
Quand je l'ai choisi comme comédien, je ne savais pas qu'il était scénariste. Il a gagné ses auditions. C'est lui que je voulais. À partir du moment où j'ai appris qu'il était scénariste, comme il connaissait déjà l'histoire et le personnage, cela a été le bon choix pour venir raffermir mon scénario.
Les jeux de rôles n'auront jamais été aussi présents au cinéma qu'en 2023. Il y a évidemment l'immense succès Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves. Mais le héros de Bungalow y jouait également pour fuir la réalité...
Je pense que le monde geek est de plus en plus mainstream, que ce soit pour des jeux de rôles, Star Wars, les superhéros et les mangas. Cela a probablement commencé avec Stranger Things où les jeunes jouaient à Donjons. Pour moi, je me souviens, c'était dans les années 1980. J'avais vu ça pour la première fois dans E.T. et je me demandais à quoi les personnages jouaient. Avec Le seigneur des anneaux et toutes les séries qu'il y a à la télévision, il y a comme une recrudescence de ces univers fantastiques là.
Vous pouvez me parler de votre cinéphilie?
Parmi mes films préférés, il y a L'empire contre-attaque. J'avais bien aimé Willow, dont on voit l'influence dans mon film. Je voulais aussi faire un hommage aux vieux films de Ray Harryhausen. À une certaine époque, j'aimais beaucoup les premiers films de Kevin Smith, surtout Clerks. Les Monty Python ont été une grande influence, surtout à l'époque où je faisais partie de Phylactère Cola. J'ai toujours bien aimé l'humour absurde. Je n'aime pas trop le politically correct. J'écris comme je sens que les gens doivent parler, donc un peu plus gras et rude. Mais mes films préférés sont assez disparates. Par exemple, j'ai beaucoup aimé Lost in Translation. Même si ce que j'aime le plus faire, c'est de l'humour, j'apprécie beaucoup les films qui me font ressentir des émotions.