Éric K. Boulianne est le scénariste le plus en demande au Québec. Il donnera une leçon de cinéma ce samedi dans le cadre des Rendez-vous Québec Cinéma. Nous avons pu discuter avec celui qui a notamment prêté sa plume aux films Le plongeur, Viking et Avant qu'on explose.
Vous pouvez me parler de la leçon de cinéma que vous allez offrir aux RVQC?
Je vais parler de mon expérience de scénarisation depuis mes débuts. Je pense que je vais également parler de scénarisation. On a rarement l'occasion d'en parler. Je vais offrir ma vision de la scénarisation, ma façon d'élaborer les scénarios. Il va y avoir beaucoup de sujets à couvrir!
Depuis Prank en 2016, vous êtes possiblement le scénariste le plus occupé du cinéma québécois, ayant participé à pas moins de huit longs métrages...
J'ai fait de la télévision au début de ma carrière et j'avais la crainte d'être cantonné-là. Ce que je voulais faire, c'est du cinéma. À partir du moment où cela a commencé en cinéma, j'ai écrit le plus possible. Récemment, j'ai peur de trop en faire et d'être fatigué. C'est important de rester pertinent. Alors je suis en questionnement, si je veux prendre une pause ou si je reviens à la télé pour essayer autre chose. Après je dis ça et on vient de déposer deux autres projets à la SODEC! Quand les projets sont intéressants, c'est difficile de dire non.
De Prank à Menteur, en passant par De père en flic 2, Les barbares de La Malbaie et bientôt Farador, vous aimez scénariser en gang...
Oui. C'est important d'avoir plusieurs têtes pour se questionner. Souvent, l'écriture, tu es tout seul devant ton ordinateur. Il faut que tu sortes le texte. Pour construire les scènes, j'aime ça être en groupe. Cela aide à aller chercher les meilleures idées. Pour moi, c'est naturel la gang. Cela dit, c'est important d'avoir un leader dans le processus et dans les échanges.
On fait également appel à vos services pour donner un souffle nouveau à des scénarios. Cela fut le cas de Viking de Stéphane Lafleur.
C'est sûr qu'il y avait une crainte au début. Stéphane a tellement une touche à lui. C'est un des auteurs qu'on aime beaucoup au Québec et tu ne veux pas être celui qui gâche tout. Mais cela s'est fait naturellement. On s'est assis et on en a beaucoup parlé. Stéphane savait ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. J'amenais des trucs, des idées de structure pour voir comment il allait réagir... J'aime le cinéma, que ce soit la grosse comédie ou le film d'auteur plus pointu. Je consomme de tout. Embarquer dans l'univers d'un autre en amenant ma touche personnelle, c'est un défi super intéressant. L'important c'est d'être à l'écoute, d'échanger, de savoir où la personne veut aller.
De quelles façons est-ce que vous définirez votre touche personnelle en tant que scénariste?
C'est une bonne question. Je ne sais pas trop. Des fois, je la cherche un peu. J'aime ça être vrai. Ça m'intéresse de marcher sur la frontière entre la comédie et le drame. Jeune, j'ai vu des films de James L. Brooks et je trouvais qu'il parvenait à le faire. Au final, il allait dans la vérité des situations. Si une situation nécessite que ça soit dramatique, tu peux y aller même si tu navigues dans un contexte qui est un peu plus comique. Il m'a super gros inspiré. Je sais qu'il a aussi inspiré Judd Apatow qui, comme producteur, a fait de super grosses comédies. Mais ses films personnels comme réalisateur sont sur cette ligne-là. C'est ce ton-là que je cherche, que j'essaye de faire.
Avec Le plongeur qui est tiré du livre de Stéphane Larue, c'est la première fois que vous scénarisez - en collaboration avec le cinéaste Francis Leclerc - à partir d'un matériel déjà existant.
Francis a fait une audition. Il a demandé à quelques personnes de lire le roman et, au final, c'est moi qui ai eu la job. Je me reconnaissais là-dedans. Par exemple la musique, qui est quelque chose de super intéressant dans ma vie. Mais aussi l'univers de l'amitié, qui s'inscrit dans mes thématiques que j'aborde au cinéma. Avec Francis, on a eu une grosse discussion de ce qu'on aime au cinéma et ce qu'on n'aime pas. On se rejoignait sur bien des points, que ce soit au niveau de la narration ou des inspirations qui vont de Scorsese à Trainspotting. Comme c'était ma première adaptation, j'ai essayé de me coller au roman. Stéphane Larue voulait plutôt qu'on prenne des distances et des libertés dramatiques. Je m'en suis de plus en plus distancé pour amener ma touche dans les dialogues. Je pense que le film est un peu plus lumineux que le roman. Je pense que c'est dans la façon d'écrire. On fait confiance aux scènes et on se laisse guider par ce qui est nécessaire.
On demeure souvent dans l'idée que le cinéaste doit scénariser seul ses propres films. Vous faites mentir cet adage en rappelant l'importance de l'esprit de collaboration dans le cinéma...
Il y a cette culture-là qui existe au Québec de cinéma d'auteur. Il y a une espèce de crainte de la dramaturgie au cinéma. On a une crainte de tomber dans le classique... Ce n'est pas nécessairement d'aller chercher des scénaristes pour écrire, mais des fois, quand tu veux faire un cinéma plus narratif, je pense que c'est bon d'avoir des conseillers et des lecteurs pour confronter ses idées. Il y a des cinéastes qui sont de super bons scénaristes, mais ce n'est pas vrai qu'ils le sont tous.
La leçon de cinéma d'Éric K. Boulianne se tiendra le samedi 25 févier à 13h à la Cinémathèque québécoise. Détails.