Après une sortie remarquée en France en janvier, Gainsbourg (vie héroïque) est présenté sur les écrans du Québec depuis deux semaines, rencontrant un succès rare pour un film français en sol québécois avec près de 200 000 $.
Le réalisateur du film, Joann Sfar, rencontré à Paris en janvier dernier, ne s'en étonne pas. « Le sentiment que j'ai, c'est que la chanson francophone a une véritable importance chez vous, peut-être même plus grande qu'en France. En revanche, quel est l'impact de Gainsbourg, comment il va être apprécié, dans le rapport aux femmes, je ne sais pas... Le jeu amoureux, chez vous et chez nous, est pratiquement inversé, c'est-à-dire que vous êtes dans une situation où les femmes québécoises ont le pouvoir, alors qu'en France, malheureusement, on est encore dans une société très réactionnaire et très machiste, et Gainsbourg est l'exemple le plus révoltant de cette société. »
Il s'agit, pour lui, bédéiste reconnu, d'une première expérience au cinéma. « Je ne connais rien au cinéma, peut-être que la seule qualité que j'amène c'est la liberté, et dans l'écriture et dans la manière de fabriquer des images. »
C'est à Eric Elmosnino qu'a incombé la responsabilité d'incarner le chanteur à toutes les étapes de sa vie. « Moi, ce genre de rôle, en général c'est pas des trucs qui me tombaient dessus. En tant qu'acteur de théâtre, je n'avais pas accès à ça, mais j'ai rencontré Joann et il m'a dessiné comment il voyait son Gainsbourg, il m'a dit qu'au début il voulait que ce soit Charlotte qui fasse le rôle de son père. »
J'ai lu que vous n'étiez pas tellement fan, non plus... « Non, je ne connaissais pas, en fait. Je ne connaissais que le Gainsbourg un peu provoc', un peu alcoolisé, à la télé. Ça ne m'intéressait pas trop, ça ne me séduisait pas. Quand j'ai lu le scénario, j'ai vu que ce n'était pas ça, l'histoire. Plutôt lui, son intimité, son rapport amoureux aux femmes, comment il a façonné ces femmes et comment elles l'ont aussi façonné lui. »
Habituellement je demande « quelles qualités il faut pour... », mais dans ce cas-ci, j'ai plutôt envie de vous demander : quels défauts il faut pour incarner Gainsbourg? « Il faut sûrement être très prétentieux, sûrement... En tout cas un peu inconscient. Je ne sais pas si c'est un défaut, pour moi c'est plutôt une qualité. C'est une figure tellement mythique, en France. » Le réalisateur Sfar est du même avis. « Il faut de la légèreté. C'est un personnage très paradoxal : il parle de sexe tout le temps, et il est très pudique, il provoque tout le monde mais c'est l'homme le plus fragile. Il fallait un comédien qui arrive à dire simplement toutes ses complexités. »
« C'est un film amoureux, je voulais qu'il y ait beaucoup de jolies filles. »
Le film met aussi en vedette Lucy Gordon, dans le rôle de Jane Birkin, Laetitia Casta dans celui de Brigitte Bardot, Anna Mouglalis dans celui de Juliette Gréco et Mylène Jampanoï dans celui de Bambou, la dernière femme de Gainsbourg. Un cadeau pour Eric Elmosnino. « De très belles femmes, et de belles actrices, surtout. Évidemment, c'est plus agréable de regarder de telles femmes, très belles. Et en plus, elles amenaient chacune des choses tellement différentes en plus, dans leur séduction... C'était très simple, pour moi, de jouer avec elles. »
Gainsbourg (vie héroïque) est présentement à l'affiche à travers le Québec.