Trahir son pays pour les beaux yeux de Mel Gibson dans Braveheart. Être dirigée par Maurice Pialat et Andrzej Zulowski. Se mesurer à l'agent James Bond. Rien n'est à l'épreuve de Sophie Marceau qui mène depuis plus de quarante ans une carrière enviable.
Dans Tout s'est bien passé de François Ozon, elle trouve son plus beau rôle au cinéma depuis des lustres, décidant d'aider son père malade (André Dussollier) à mourir. Nous l'avons rencontrée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d'Unifrance...
C'est un film émouvant. Le sujet est proche de vous?
Ce n'est pas mon histoire. Mais oui, c'est proche de moi. Je pense que toutes les histoires sont proches de moi: c'est pour ça que je suis actrice. Les histoires des gens me touchent, ça m'intéresse. Je veux comprendre ce qui se passe dans la tête des gens, dans leur coeur. Comme tout le monde, je vais devoir passer par ces expériences. Plus j'en sais et mieux c'est. D'en parler, j'ai appris des choses. Je me suis sentie moins seule. Le film possède aussi des qualités de drôlerie et de légèreté qui font du bien. Je pense que la mort est un sujet qui nous concerne tous.
Qu'est-ce que vous pensez du thème du suicide assisté qui est abordé?
Le film se déroule dans les années 90 et la loi a changée depuis. Mais elle n'est pas encore claire et nette. C'est sûr qu'en France, il y a un débat autour de ça. Alors qu'il y a beaucoup de pays qui ont déjà opté pour ceci ou le contraire... C'est un sujet compliqué. Il faut réfléchir à ce que chacun puisse exprimer sa volonté là-dedans sans qu'il y ait de dogme. Je pense que c'est une question très personnelle.
Avez vous vécue une expérience similaire avec votre père ou votre mère?
Oui. Je suis accompagnatrice. L'idée de laisser les gens tout seuls, ça m'horripile complètement. Sauf s'ils le désirent, évidemment. Je pense avoir accompagné et fait ce que mes parents désiraient. Ç'a m'a aidé à traverser tout ça, à le vivre, à en parler, à le faire. Ce sont des moments de vie extraordinaires. Ce sont des trucs incroyables, douloureux aussi. En tout ça, ça m'a aidée pour la suite.
Sentez-vous que dans le film, votre personnage n'a pas vraiment le choix d'aider son père à mourir?
Oui. Il lui met entre les mains quelque chose de très difficile, qu'elle n'a pas choisie. En même temps, ça la rapproche de son père. Elle fait passer son père avant tout. Ça vous rappelle qu'au moment où dans la vie vous croyez que ça va être tranquille, eh bien non, pas du tout. Il vous arrive encore des galères! (rires) Mais au final, d'avoir accompagné cet homme dans son désir et sa volonté, elle peut avoir une forme de sentiment d'avoir fait quelque chose pour quelqu'un.
C'est votre première collaboration avec François Ozon. Pourtant vous avez refusé de jouer dans certains de ses films, comme 8 femmes, 5x2, Jeune et jolie, Potiche. Comment il a réussi à vous convaincre?
Le déclic a été 15 ans de plus, des expériences de vie, un sujet. À l'époque, j'aimais bien certain films de François, comme Angel. Mais lui, il ne l'aimait pas du tout. On n'était pas sur la même longueur d'ondes. Il me proposait des trucs et je n'étais pas convaincue. Ce qui est super, c'est qu'il est revenu. Il est sain. Il n'a pas d'ego. Certains pourraient se vexer, ce que je peux comprendre. Mais ce n'était pas personnel. Je suis trop fière et heureuse qu'on ait fait ce film ensemble.
Vous avez commencé très tôt dans le métier, à 13-14 ans, avec La boom. Quatre décennies plus tard, sentez-vous que le cinéma a changé?
Le cinéma a changé. Mais en même temps, notre métier d'acteur existe depuis la nuit des temps. C'est ça qui m'intéresse. C'est de jouer, de m'exclure de la réalité pour aller dans une autre. Ça, ça ne change pas. Et ce qui ne change pas non plus, c'est le talent. Il y a beaucoup de gens qui savent faire des choses incroyables et qui ont envie de raconter des histoires. De nos jours, les gens travaillent beaucoup. Est-ce que vous avez vu tous les films qu'il faut faire? Le support change, la technologie change et forcément, ça influe sur le cinéma. Aujourd'hui, c'est quand même un truc très industriel, très algorithmique quand on voit les séries qui sortent... Le cinéma évolue avec son temps. Mais au final, raconter une histoire, incarner un personnage, ça ne change pas.