Depuis qu'elle a obtenu un Oscar pour La vie en rose, Marion Cotillard prend un soin méticuleux pour bien choisir ses films, tournant avec les meilleurs cinéastes francophones (les frères Dardenne, Jacques Audiard, Xavier Dolan) et internationaux (James Gray, Christopher Nolan). On la verra d'ailleurs bientôt dans Frère et soeur d'Arnaud Desplechin, qui sera lancé à Cannes le mois prochain, avant de revêtir le costume de la mythique Cléopâtre au sein du nouvel épisode d'Astérix et Obélix que réalise son amoureux Guillaume Canet.
Après avoir chanté sa vie dans Annette de Leos Carax, elle prête sa voix unique à l'animation Charlotte d'Erin Warin et Tahir Rana, où elle donne vie à une jeune peintre juive qui cherche à pratiquer son art pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une histoire vraie méconnue que la comédienne est heureuse de nous faire découvrir...
Scènes du film - MK2 - Mile EndAvant de participer à ce film, est-ce que vous connaissiez Charlotte Salomon?
Non. J'ai découvert cette artiste quand on m'a proposé le projet. Je n'en avais jamais entendu parler.
Selon vous, pourquoi n'est-elle pas davantage connue? Hormis quelques rares noms, les artistes féminines de cette période sont souvent reléguées dans l'ombre?
Il n'est jamais trop tard pour découvrir une artiste. C'est une belle chose qu'on la redécouvre à travers ce dessin animé. Effectivement, dans toutes les sphères de la création, de la recherche et du pouvoir, les femmes ont souvent été reléguées derrière les hommes. On parle beaucoup plus des hommes dans toutes formes d'art. C'est un patriarcat qui prend position et qui ne reconnaît pas nombre de femmes. Prenons l'exemple d'Alice Guy au cinéma. Elle a une toute petite place. Les gens aujourd'hui ne la connaissent presque pas. Alors que c'est elle qui a inventé la fiction. C'est comme ça... mais ça change et c'est bien. On a une marche de progression.
Charlotte Salomon a beaucoup dessiné (elle est probablement l'auteure du premier roman graphique) et elle cachait des zones d'ombres, que l'on pense à la mélancolie chez sa famille et ses relations difficiles avec son grand-père. Sentez-vous des affinités avec elle? Peut-être le côté passionné?
Oui. Ce besoin de s'exprimer à travers une forme d'art. Évidemment, je n'ai pas traversé tout ce qu'elle a traversé, elle. Mais en tout cas, ce besoin d'exprimer quelque chose. Pourquoi a-t-on besoin de raconter notre vision du monde en tant qu'artiste? Peut-être pour le comprendre un petit peu plus.
C'est beau cette façon d'exercer l'art pour lutter contre le désespoir. Surtout en temps de crise et de guerre. Selon vous, l'art est une façon de résister?
Je ne pense pas qu'elle utilise l'art. C'est un besoin vital. Dès le départ, elle a envie d'être artiste. Elle ressent ça en elle. Donc elle vit l'art plutôt que de l'utiliser. Des fois, même quand on n'est pas artiste, on a besoin, pour déposer une charge émotionnelle, d'écrire dans un journal, de prendre un événement et de le mettre quelque part.
Vous êtes une actrice qui s'investit toujours beaucoup dans vos personnages. Comment avez-vous abordé celui de Charlotte? Comment la rendre vivante, même si c'est uniquement par la voix, ce qui est déjà beaucoup?
Il y a vraiment un ton dans le film. Les dessins sont très simples, le son est assez calme. Il y a une espèce de douceur qui fait sortir les moments de violence de manière très profonde et particulière. La voix s'adapte au ton du film, qui était déjà réalisé. On avait déjà l'image. Au-delà de la recherche que j'ai faite sur cette artiste et qui est un travail de base qui n'est pas forcément intéressant à raconter, il y avait la nécessité de se mettre dans l'ambiance du film.
Vous avez déjà prêté votre voix à des projets aussi différents que Le Petit prince, Les Minions, Avril et le monde truqué et récemment Dolittle. Quelle liberté vous offre le doublage?
Ce sont des rôles qu'on n'aurait pas forcément dans un film. Après, Charlotte est assez particulier. Même si le dessin est simple, il est très réaliste. C'est un personnage qui a existé. On l'a fait exister comme on l'imagine. Contrairement à d'autres personnages que j'ai pu interpréter en doublage où l'on pouvait amener sa propre folie, parce que c'était une création pure. L'animation est un endroit où l'on peut explorer différemment.
Vous aimez le cinéma d'animation? Autant celui destiné à toute la famille dans la lignée d'Encanto que celui qui s'adresse à un public averti comme Flee?
J'adore le cinéma d'animation! Je regarde pas mal de dessins animés avec mes enfants. Mais même avant d'avoir des enfants, j'en regardais beaucoup. J'aime passionnément Miyazaki et tout ce que fait Pixar.