Découverte dans le film La peau blanche et à l'affiche de productions aussi différentes que Les nôtres et La chute de Sparte, Marianne Farley mène depuis quelques années une carrière plus qu'enviable au sein du court métrage. Sa réalisation Marguerite a d'ailleurs été nommée aux Oscars en 2019.
La voilà s'atteler au long métrage avec Au nord d'Albany, un drame psychologique sur une mère (Céline Bonnier) qui quitte précipitamment Montréal avec ses deux enfants. Lorsque leur voiture cesse de fonctionner près d'un minuscule village américain, la famille n'aura aucun autre choix que d'affronter les démons de leur passé.
Cinoche.com s'est entretenu avec la cinéaste...
Vous venez de l'univers du court métrage. Comment s'est effectué le saut vers le long?
Le court métrage était un tremplin pour me rendre au long métrage. Ce qui ne veut pas dire que je ne veux pas faire d'autres courts métrages, parce que c'est un médium que j'aime beaucoup. Mais je préparais mon long métrage depuis un petit bout. Ceci dit, dans chaque projet, j'ai des choses à apprendre. Marguerite était un film très intimiste où je voulais explorer les silences, les non-dits. Avec Frimas, c'était plus frontal, agressif. Et avec Au nord d'Albany, je suis revenu à la source de ce que je fais : les rencontres. Dans tous mes projets, il y a ces rencontres-là qu'on fait dans la vie qui nous confrontent à nous-mêmes, qui nous forcent à faire face à nous-mêmes. Des rencontres qui sont souvent transformatrices, même salvatrices dans ce cas-ci. J'avais le goût d'explorer ça sous les lentilles de la fuite.
Le film aborde de nombreux thèmes sensibles comme la fuite, la féminité, la maternité, l'homosexualité, le harcèlement, la perte... Comment bien doser le tout?
Je pense que je n'avais pas réalisé à quel point c'était chargé. À l'écriture scénaristique avec Claude Brie, on a vraiment fait ce travail de s'assurer que chaque personnage avait son moment de fuite, son élément, sa perte. En même temps, ce n'est pas un film sur l'intimidation, sur la violence par les fusils. Mais ça fait partie un peu du background de ce film-là... Mon travail a vraiment été de créer les liens et développer des relations entre les personnages.
Image du film Au nord d'Albany - Maison 4:3Vous n'hésitez pas à utiliser le silence, qui demeure plus évocateur que tout...
Oui, parce que dans un regard, il y a comme un univers qui se passe. Je trouve que des fois, on a tendance à faire dire des choses à nos personnages, alors que souvent, un regard ou un silence, cela en dit beaucoup plus que n'importe quelle ligne de dialogue. En tant que spectatrice, je n'aime pas qu'on me prenne par la main et qu'on m'explique tout. J'aime devoir projeter un peu mon vécu sur les images afin de comprendre le récit.
Pourquoi avoir choisir Albany?
Mon frère habite aux États-Unis. Albany, c'est proche. Mais c'est surtout les Adirondacks que je trouvais intéressantes. Sur l'autoroute 87, il te dit qu'il te reste un dernier aire de service avant et après c'est 200 km plus tard. Tu n'as plus de réseau. Il y a quelque chose du Triangle des Bermudes. Je me souviens de mon anxiété la première fois où je suis rentrée dans le parc des Adirondacks. Ok, si je tombe en panne, toute seule, je suis faite. Il n'y a personne pour venir me chercher. Albany, c'est la première grosse ville après. C'est là où il y a la civilisation. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ce titre-là. Mais ça se déroule au nord de cette ville-là où il ne se passe pas grand-chose.
Qu'est-ce que vous vouliez essayer sur le plan de la mise en scène?
Le mot d'ordre a été de trouver l'équilibre, le juste milieu, entre cinéma indépendant et cinéma commercial. Mais également dans la musique et à tous les niveaux.
Image du film Au nord d'Albany - Maison 4:3À quoi peuvent ressembler les inspirations?
J'écoute beaucoup de films avant de tourner. American Honey d'Andrea Arnold était un des films qui m'a inspirée. C'est un de mes films fétiches. J'aurais aimé faire quelque chose de similaire, mais en même temps, avec la pandémie, je ne pouvais pas... Sinon, il y avait le film You Were Never Really Here de Lynne Ramsay qui est un suspense. Dans les mouvements de caméras, il y avait quelque chose qui est à l'épaule d'un peu sale mais pas trop non plus. C'est quelque chose quand même d'assez harmonieux et d'assez fluide. Mon intention était d'aller dans cette direction-là.
Vous utilisez le canevas du road-movie pour mieux vous en détourner. Au contraire, il y a un immobilisme, les membres de la famille sont perdus et ils vont finir par se retrouver...
Oui, absolument. C'est comme la vie. Tu penses que tu t'en vas dans une direction, mais finalement, la vie ce n'est jamais ce que tu penses. Tu te ramasses complètement ailleurs. Ma vie a été comme ça, et la vie des gens que je côtoie aussi. La vie te force à faire face à toi-même. C'est ce que je trouve difficile, mais c'est ce qui est tellement beau et riche aussi. C'est ce que j'avais le goût d'explorer avec ce film.
Au nord d'Albany prend l'affiche au Québec le vendredi 2 décembre.