De C.R.A.Z.Y. à Mafia Inc., en passant par Tu dors Nicole, L'affaire Dumont et Les affamés, Marc-André Grondin est, depuis 18 ans, un des acteurs les plus investis du cinéma québécois.
Dans Richelieu de Pier-Philippe Chevigny, il campe le patron d'une usine de transformation alimentaire qui a maille à partir avec la nouvelle traductrice (Ariane Castellanos), qui prend le parti des ouvriers guatémaltèques.
Cinoche.com s'est entretenu avec le populaire comédien...
Qu'est-ce qui vous a motivé à participer à ce film?
Je trouvais le scénario incroyablement bien écrit. Chaque scène avait son propos. Il n'y a pas de scènes ou de dialogues inutiles. Je trouvais le propos pertinent, important.
Les personnages ne manquent pas de nuances. Il n'y a aucune place pour le manichéisme...
Je trouve que la force du film est de ne pas être tombé dans des pièges pro-travailleurs contre le patronat. C'est plutôt un film sur un système qui ne fonctionne pas bien. Il y a plein de joueurs qui ne sont pas fondamentalement méchants, mais le système fait en sorte que ça sort le pire d'eux. C'est l'exploitation du système capitalisme. Tu as une méga corporation qui regarde des chiffres et qui met de la pression en exploitant une usine dans un autre pays. Le propriétaire de cette usine-là n'a pas le choix, pour survivre, d'exploiter les travailleurs saisonniers qui, eux aussi, s'exploitent entre eux. Tout le monde essaie de survivre, tout le monde tire la couverte de leur bord, tout le monde pousse l'autre en dessous du bus. Je trouvais que c'était un sujet qu'il était important de porter à l'écran.
Cela rappelle les belles années du cinéma engagé au Québec.
Tout à fait. On a un historique du cinéma engagé au Québec qui s'est beaucoup perdu. Je trouve que le film de Pier-Philippe s'inscrit là-dedans. Si tu n'as pas envie de voir le propos politique qui est fort et pertinent, tu peux quand même être touché par l'histoire.
RichelieuUne scène du film Wings - FunFilm Distribution
Le sort des travailleurs saisonniers résonne de plus en plus sur les écrans québécois, autant au cinéma avec Les oiseaux ivres (Ivan Grbovic) qu'à la télévision avec Le temps des framboises (Philippe Falardeau)...
Je pense qu'il y a une génération qui est plus conscientisée par cette problématique. Je crois que Pier-Philippe est le seul qui a une approche beaucoup plus directe dans son traitement de la situation. Tandis que chez Philippe Falardeau ou Ivan Grbovic, il y a quand même une romance à l'intérieur de ça. Ce n'est pas nécessairement le sujet principal. Mais tous ces projets-là sont importants. Il faut donner une voix à ces travailleurs saisonniers qui sont temporaires, mais qui passent 10-15 ans à revenir ici.
À quoi ressemble la préparation pour un tel rôle?
J'ai passé une demi-journée dans une usine de transformation de légumes. Toute la gang était super accueillante. Elle m'a montré comment ça fonctionnait. J'ai posé des questions. Quand tu arrives sur le plateau et que c'est véridique, tu n'as plus besoin d'essayer de jouer quelque chose. Tu sais que c'est comme ça, parce que ça ressemble à ce que tu as vu. J'ai aussi regardé une série documentaire qui s'appelle De pied ferme.
De quelles façons s'est construite la relation avec Ariane Castellanos?
On se connaissait à peine. On n'avait jamais tourné ensemble. Ariane est là depuis le début. À la base, Pier-Philippe voulait faire un documentaire et il est amie avec Ariane. Elle a travaillé sur le scénario, à la traduction, au casting. Son opinion est importante. C'est son projet, et elle le porte merveilleusement bien sur ses épaules. Elle est le fun, drôle, simple et ricaneuse. Sur le plateau, entre les prises, je demandais à Ariane ce que les autres personnes avaient dit, parce qu'ils parlaient espagnol. C'était un peu comme le film, mais avec une relation qui n'est pas toxique! (Rires) On a gardé cette proximité-là, où j'étais un peu extérieur, et elle a essayé de me faire rentrer dans le groupe.
Une scène du film Richelieu - FunFilm Distribution
Vous connaissiez le cinéma de Pier-Philippe Chevigny?
Oui. J'ai vu ses courts métrages qui comportent de belles mises en scène. Puis il y a le scénario de Richelieu qui était super bien écrit. Je me disais : « À moins qu'il soit un tyran sur le plateau, ça devrait bien aller ».
Ce fut un tyran?
Non. (Rires) Il était super cool. Il était super bien préparé, relaxe. C'était bien impressionnant. Je n'avais pas l'impression de faire affaire avec un gars qui en était à son premier film.
En effet. Le long métrage est très maîtrisé et il comporte plusieurs plans-séquences...
Absolument. Les plans-séquences viennent avec un stress. Mais le plateau de tournage était très décontracté... Quelque chose que j'ai retrouvé avec ce tournage-là et que je n'avais pas vu depuis longtemps, c'est le respect de la prise. Depuis qu'on ne tourne plus en pellicule, on s'en crisse un peu quand ça tourne. On tourne bien des affaires. Il y a parfois 20 prises. Là, parce qu'on est en plans-séquences, il y a beaucoup de répétitions, et quand on termine une prise, il y a un respect de ne pas scrapper ce qui pourrait être la bonne prise. Il y a un respect et un silence. Tout le cérémonial du cinéma qu'on a perdu un peu avec le temps, on l'a retrouvé avec ce tournage-là. C'était quasiment un retour aux sources. C'était du vrai cinéma.
Richelieu prend l'affiche le 1er septembre.