La carrière de Léa Seydoux est impressionnante. Celle qu'on a pu voir dans Juste la fin du monde de Xavier Dolan a déjà tourné avec les plus grands cinéastes d'hier (Ridley Scott, Woody Allen) et d'aujourd'hui (Yorgos Lanthimos, Abdellatif Kechiche). Seulement dans la dernière année, elle figurait au générique de Crimes of the Future de David Cronenberg, The French Dispatch de Wes Anderson et France de Bruno Dumont, en plus d'incarner à nouveau l'amoureuse de James Bond dans No Time to Die.
Elle renoue avec le cinéaste Arnaud Desplechin (Frère et soeur) quelques années après Roubaix, une lumière pour Tromperie, une adaptation fulgurante du roman de Philip Roth. L'actrice se glisse dans la peau d'une femme insaisissable, véritable muse d'un romancier (Denis Podalydès) qui semble avoir de la difficulté à séparer la fiction de la réalité.
Cinoche.com a pu s'entretenir avec la comédienne dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d'Unifrance...
Qu'est-ce que ça implique de tourner avec Arnaud Desplechin?
C'est très agréable de tourner avec lui. Arnaud est quelqu'un qui a une vitalité assez incroyable. Il arrive à transmettre son énergie. Il y a quelque chose sur ses tournages où c'est toujours très excitant. J'ai l'impression qu'Arnaud est quelqu'un qui décuple chez moi mon imagination. Il m'inspire énormément. C'est comme s'il ouvrait des portes... Je pense que c'est en France un des plus grands directeurs d'acteurs qui existe. Parce qu'il a une façon de donner de la dimension et de la complexité à tous les sentiments. Il pourrait me demander n'importe quoi et je le ferais.
C'est un cinéaste extrêmement littéraire. Le texte est très écrit chez lui. Quelle était votre marge de manoeuvre? J'imagine qu'il n'y avait pas de place pour l'improvisation.
Je ne peux pas dire que je suis une actrice qui est spécialement à l'aise avec l'improvisation. D'ailleurs, ce que j'aime, c'est quand c'est dénué de mots. J'ai plutôt une spécialité à jouer quand il n'y a pas de dialogues. Là, la contrainte, c'était qu'en effet, c'était assez bavard. Mais le texte était tellement beau que ce n'était pas un problème. C'est assez étrange, parce que quand j'étais enfant, je n'étais pas une jeune fille qui était spécialement à l'aise avec sa scolarité. C'est comme si j'avais compris la littérature à travers Arnaud. Ce rapport-là est pour moi très émouvant.
Arnaud disait pourtant en entrevue que vous improvisez. Vous arrivez sur le tournage et vous ne savez jamais ce qui se passe...
Ce n'est pas de l'improvisation dans les dialogues. C'est plus une façon de jouer et il ne sait pas ce que je vais faire. D'une certaine façon, les dialogues, on peut les jouer de toutes les manières possibles et inimaginables. Mais avec Arnaud, je ne sais jamais comment je vais jouer les choses. Surtout quand ce sont des scènes compliquées.
Votre personnage a une relation presque érotique avec les mots. Que pensez-vous de la relation entre la création, l'art, le cinéma et l'éros?
J'ai toujours pensé que l'éros était le désir et source de création. C'est peut-être ça que je voulais dire d'Arnaud. Il stimule énormément ses acteurs et il fait naître chez moi le désir d'incarner le personnage, d'être a son service.
Arnaud Desplechin - tout comme Bruno Dumont sur France - disait vous avoir demandé de jouer avec votre persona...
C'est vrai qu'il y a quelqu'un qui avait vu le film et qui me disait que c'était comme si je vivais quelque chose de très intime dans le film, quelque chose qui m'appartenait à moi. J'aime bien quand les acteurs sont engagés, qu'ils livrent leur âme. Pour que ça soit vrai, il faut parler de soi d'une certaine façon. Comme j'ai toujours l'impression que les metteurs en scène parlent d'eux-mêmes à travers les personnages. On livre des choses qui sont très personnelles.
Quelle est votre conception du cinéma?
Pour moi, le cinéma est une croyance. C'est aussi une façon de questionner le monde, de créer de la beauté. Ça a de l'importance, parce que la beauté qu'on peut créer avec le cinéma est quelque chose de nécessaire à l'existence.