Qui n'a jamais souhaité acheter un bungalow et de le rénover pour en faire la maison de ses rêves? C'est le projet que caressent Sarah (Sonia Cordeau) et son amoureux Jonathan (Guillaume Cyr). Qu'est-ce qui pourrait bien arriver de grave?
Tout, s'il faut se fier à Bungalow de Lawrence Côté-Collins, un film audacieux qui détonne dans le cinéma québécois. Cinoche.com a discuté avec l'authentique réalisatrice à propos de rénovations, du rêve américain et des risques du métier.
On vous connaît pour vos nombreux courts métrages et votre premier long Écartée. Mais moins pour votre travail à la télévision...
J'ai fais six ans d'Un souper presque parfait, Occupation double, etc. J'ai 250 demi-heures de télé en arrière la cravate. La télé aide à financer mon cinéma. Je ne suis pas élitiste du genre. Autant je suis aux femmes et aux hommes, autant je suis en télé et en cinéma. J'aime ça être un électron libre. Quand je fais de la télévision, je suis au service de la machine. Et quand je fais mon cinéma, je pars vraiment de moi, de mon histoire, de ma vie, des anecdotes de mes amis.
Qu'est-ce qui vous a amené vers Bungalow?
Je fais du cinéma qui me ressemble. J'ai grandi dans les rénovations. Ma mère était une junkie des rénos. Si je meurs dans une semaine, les deux seuls canaux de télévision que j'écouterais sans arrêt sont Canal Vie et CASA. Bungalow, c'est beaucoup moi. Ce sont mes passions, mes excès. Je suis une personne colorée, qui ne fait rien à moitié. C'est mon intensité qui est déployée dans tout ce film-là.
Vous traitez du rêve américain, qui est censé être une source de bonheur, mais qui finit rapidement par nous emprisonner.
Tout à fait. Je fais des films carcéraux. Pour moi, la vie est une prison. On est enfermés dans le système capitalisme, dans notre dépendance au pétrole, dans nos jobs, dans nos maisons, dans nos relations, dans nos dettes, dans des rêves qui ne sont pas toujours les nôtres. C'est comme si le rêve américain est fait pour fabriquer des muffins. Il faut rentrer dans le moule à muffins. La normativité, avoir une maison, un chum, des enfants, travailler pour sa retraite: il y a une réelle pression de la société pour être comme tout le monde.
L'histoire baigne dans l'humour noir, le drame de couple et l'horreur. Il est clinquant, théâtral. Comme si le film évoluait et se transformait en permanence.
On entre souvent dans la société avec des cadres. Tu es en couple ou tu ne l'es pas. Tu fais une comédie ou un drame. Moi, j'aime différentes sortes de cinémas. J'aime beaucoup les univers colorés, les films d'horreur, le cinéma d'exploitation et les films direct-to-video. Mais également le cinéma coréen, le cinéma de Roy Andersson et de Wes Anderson. J'aime ça quand le cinéma ose faire des choses autrement. Ce que j'aime en faisant du cinéma, c'est magnifier la réalité, marier les genres. Je suis une personne all-dressed et j'aime ça jouer avec les arts, fusionner les choses.
On sent que vous osez, à la fois dans la façon d'aborder les sujets que de présenter les personnages, de développer le récit qui ne cesse de surprendre.
Si je n'ai pas le goût de risquer, je vais juste faire de la télé. Parce que c'est facile, c'est agréable et c'est vraiment plus payant. Quand je fais du cinéma, c'est parce que j'ai besoin de ne pas faire de compromis. Mon cinéma me permet d'exister dans tout ce que je suis.
Vous voyez un parallèle entre le fait de rénover une maison, où tout notre temps et notre argent passent là-dedans, et celui de réaliser un film? On manque toujours de temps et d'argent, le film ne sera jamais complètement à notre goût, mais on se lance néanmoins corps et âme dans le projet.
C'est vrai qu'on pourrait dire que faire du cinéma, c'est bâtir une maison. Dans la vie, je suis une personne qui aime créer avec des contraintes, de l'adversité et du défi. S'il n'y a pas ça, je n'ai pas envie de créer. Bungalow, c'est des bugs l'un après l'autre. Je devais aller tourner à New York et on a réécrit une partie du scénario à cause de la pandémie. C'est pour ça aussi qu'on a fait un huis clos, ce qui nous a permis de respecter les règles sanitaires. Comme les magasins étaient tous fermés, on a fait un film avec Kijiji et Amazon Prime. C'est comme si chaque décision était un tremplin pour pousser la créativité plus loin. Il y a plein d'affaires magiques dans ce film-là. C'était toute une aventure. Au lieu d'en vivre un deuil, j'ai vu l'opportunité d'en faire quelque chose de spécial.