Figure incontournable du milieu québécois depuis plus de 30 ans avec ses disques humoristiques cultes L'album du peuple, François Pérusse obtient un premier rôle au cinéma dans la comédie dramatique Niagara de Guillaume Lambert. Il incarne un être qui vient de tout perdre et qui part en road trip avec son frère (Éric Bernier) pour rejoindre leur aîné (Guy Jodoin) afin de souligner la mort soudaine de leur père.
Cinoche s'est entretenu avec le populaire humoriste québécois...
En regardant le film, je me suis posé comme question: "Mais pourquoi on ne vous voit pas davantage au cinéma?" Il y a tellement d'humoristes qui ont exploré ce médium, mais pas vous. Vous apparaissiez dans le précédent film de Guillaume (Les scènes fortuites) tout en assurant la narration, mais c'est tout.
Je n'en ai jamais fait et c'est Guillaume qui m'a ouvert cette porte-là le premier. Il était en train d'écrire une histoire et un de ses personnages lui faisait penser à moi. À cause de ma face, semble-t-il. Quand je ne souris pas ou que je suis seulement en train de réfléchir, on m'a dit que j'avais un air grave... J'étais bien flatté de son invitation, mais j'étais un peu nerveux. Bon, je vais oublier mes textes, je ne vais pas être bon (rires)! Je n'avais pas une grosse estime de ce que j'étais capable de faire. J'y allais avec une peur. La glace s'est brisée le premier jour du tournage. Guillaume communiquait fantastiquement, il m'a tellement aidé dans sa direction que c'était facile.
Qu'est-ce qui a été le plus contrariant?
Le tournage a duré 29 jours. Pendant ce temps-là à la maison, ma conjointe était aux prises avec une invasion de chenilles. C'était épouvantable! C'était un film d'horreur. Des chenilles qui te tombent sur la tête pendant un mois! C'était la panique totale. Je ne pouvais pas être là et cette situation s'est transmise à mon personnage. Ç'a m'a aidé à jouer cet être qui est catastrophé, parce que j'étais catastrophé par les chenilles. (rires)
Vous incarnez un individu solitaire, aux yeux tristes et graves, dépassé par les événements. Un personnage qui est souvent dans la réaction, déphasé avec ses émotions. Vous le sentez proche de vous?
Je connais l'anxiété. Je suis à l'aise avec le personnage. Même si je n'ai jamais vécu autant de choses en même temps, que je n'ai pas perdu ma job, ma blonde et toutes mes affaires, on connaît tous ça des mauvaises journées. Je pense que j'ai plus de facilité à jouer une mauvaise journée qu'une bonne! (rires)
Guillaume me confiait qu'il vous a notamment approché pour vous rendre hommage, pour offrir un regard doux-amer sur ce que vous représentiez pour lui. Êtes-vous conscient que vous avez marqué plusieurs générations avec votre travail?
Je m'en rends compte quand je sors de chez nous, ce qui est rare. Parfois, les gens réagissent, m'envoient des courriels et me font des témoignages saisissants. Qu'en entendant ce que j'ai fait, cela a changé leur vie. Quand je lis ça, ça me sort de ma solitude. C'est évident que je souhaite ça à tout le monde d'avoir pu laisser une marque, une empreinte. Je l'oublie souvent parce que je travaille seul. Mais quand on me le rappelle, je reprends conscience de ça et j'en suis très fier. Quand je vais être décédé, il y a encore des phrases qui vont se dire! (rires) Je parle comme si j'étais sur le bord de crever! Mais je ne m'attendais pas à ça. Quand j'ai commencé à faire ça en 1990, j'ai crû au feu de paille. Ça n'a pas été un feu de paille, mais un feu de forêt! (rires)
De manière générale, quelle est votre relation avec le cinéma? Vous en consommez beaucoup? Par exemple, quels sont quelques-uns de vos films préférés?
Éric Bernier, qui est un grand consommateur d'arts visuels, de cinéma et de séries, me disait souvent "As-tu vu ce film-là?". Je me sentais comme le dernier des incultes, parce que je me rends compte que je n'ai pas visionné beaucoup de films. J'ai vu plein de films, mais je ne m'en souviens plus! Mes classiques, ce sont encore The Shining, les gros Kubrick. Mais il y a de bien belles choses qui sortent que je trouve tellement géniales. J'en vois des films, mais je ne suis pas un cinéphile... Je ne pourrais pas participer à un quiz télévisé qui concerne le cinéma. J'aurais peut-être trois réponses sur 50!
Vous avez eu la piqûre du cinéma avec Niagara? Cela vous tenterait de répéter l'expérience?
Dans les circonstances que je l'ai vécu, la réponse est automatiquement oui. Surtout si je n'ai pas d'invasion de chenilles à la maison. J'ai vu le meilleur scénario, le meilleur plateau. C'est dur à battre pour le prochain.
Niagara prend l'affiche ce vendredi.