François Cluzet est un peu le Dustin Hoffman du cinéma français. Un acteur versatile qui accumule les rôles de qualité depuis 45 ans, alternant succès mondiaux (Intouchables) et prix d'interprétation (le César du meilleur acteur pour Ne le dis à personne), tout en tournant avec les plus grands cinéastes (de Claude Chabrol à Claire Denis, en passant par Robert Altman et André Forcier).
Dans le film La brigade de Louis-Julien Petit, il incarne le directeur d'un foyer d'accueil de jeunes migrants qui convainc une chef (Audrey Lamy) de s'occuper de la cantine. Une rencontre qui marquera leurs vies à jamais.
Nous l'avons rencontré dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d'Unifrance...
Qu'est-ce qui vous a attiré vers La brigade ?
C'est d'abord le sujet. C'est un problème social politique : celui des mineurs étrangers isolés. Ensuite, ce qui m'a beaucoup intéressé, c'est le metteur en scène. Parce que je le connaissais comme assistant-réalisateur et j'ai vu ses deux premiers films que j'ai trouvé très réussis. Louis-Julien Petit n'osait pas trop me proposer le rôle parce qu'il ne le trouvait pas assez important.
Cela a évolué pendant le tournage...
Oui. On a pu lui donner de la place à ce rôle. C'est-à-dire que c'est un type qui dirige ce foyer, qui a besoin d'une cantinière et qui ne va pas se laisser emmerder par le talent d'un grand chef cuisinier. Lui, ce qu'il veut, comme il le dit dans le film, c'est que les gamins mangent. Et non pas qu'on leur mette deux heures à leur servir. Les enfants aiment le ravioli et le foot, alors on fait du foot et on mange des raviolis. Le personnage principal vient tout chambouler là-dedans. Ce qui m'a plu, c'est de voir la liberté qu'offre Louis-Julien Petit à ses acteurs. Et puis ça m'a beaucoup plu de jouer avec Audrey Lamy que je trouve une actrice vraiment intéressante.
Le long métrage ne repose pas sur vos épaules. Vous êtes là pour amener l'humour et l'émotion, tout en étant un peu la conscience du récit.
Tout à fait. C'est un choix. Est-ce qu'il faut mieux faire un second rôle dans un film enrichissant qui vous apporte des rencontres humaines et artistiques, qui a un fond intéressant et qui est bien écrit? Ou il faut s'accrocher que sur des rôles principaux - j'en ai eu 80 - et se dire que les seconds rôles ne sont pas pour moi? Je ne fonctionne pas comme ça. Je fonctionne comme un interprète gourmand en voulant des seconds rôles, des troisièmes rôles. Si le metteur en scène est bon, c'est mon intérêt d'y aller. Je vais m'enrichir. Alors que je vais me diminuer énormément si j'ai le rôle principal dans un mauvais film.
Tout est donc une question du cinéaste?
J'ai été très chanceux. Maintenant, ce qui m'insupporte, ce sont les mauvais metteurs en scène. Et les mauvais metteurs en scène, on les voit dans leur scénario. Vous lisez 30 pages du scénario et vous savez déjà que le type ou la fille n'est pas bon... ou, au contraire, vous avez compris tout de suite que c'est un véritable metteur en scène. Moi, c'est ce que je veux. Comme j'aimerais faire de la mise en scène un jour, je veux continuer à travailler avec les meilleurs metteurs en scène.
Avec un tel sujet, La brigade n'aurait pu qu'être un simple drame social. On ose toutefois miser sur le rire pour le rendre plus accessible.
Oui. Je suis content que vous disiez cela. Je le pense aussi. Je crois que la grande force de Louis-Julien Petit, c'est de prendre un sujet social ou politique, c'est-à-dire un sujet qui concerne tout le monde, même les responsables de l'État. C'est une manière de leur remettre un peu de poil à gratter de s'avancer sur des sujets comme celui-ci. Mais de l'autre côté, son autre talent, c'est que, quel que soit son sujet, on fait un spectacle. Dans La brigade, il a parfaitement réussi ça. Au fond, on est dans un sujet excessivement grave. Et pourtant, c'est la vie qui a le dernier mot, c'est la chaleur de ces enfants, c'est leur complicité, c'est l'affection qui emporte le directeur du foyer. Mais c'est aussi l'attention que va porter Audrey Lamy à tous ces enfants en leur apprenant le métier de la cuisine. Donc il y a quelque chose de très fort dans le film, un sujet très puissant, un style et une direction d'acteurs vraiment versés vers la comédie.