Découvert au sein de J'ai tué ma mère de Xavier Dolan et bénéficiant d'une carrière internationale grâce à son rôle dans la série The Borgias, François Arnaud cumule les tournages ici comme ailleurs, ayant côtoyé son lot de vedettes (Rebecca Hall et Jason Sudeikis pour Permission, Lambert Wilson et Virginie Ledoyen lors d'Enragés) tout en prenant soin de faire sa place dans des productions locales. Il incarnait d'ailleurs plus tôt cette année le controversé homme d'affaires Vincent Lacroix dans Norbourg.
Pour La switch de Michel Kandinsky, il prête ses traits à un tireur d'élite militaire qui revient traumatisé d'Afghanistan, se réfugiant dans son patelin natal. Le comédien côtoie notamment Sophie Desmarais, Roch Castonguay et le trop rare Lothaire Bluteau.
Cinoche.com s'est entretenu avec l'acteur tout juste avant la première du film à Cinémania...
Qu'est-ce qui t'a attiré vers La switch?
Le réalisateur Michel Kandinsky m'a approché avec le scénario. J'avais fait un film avec sa compagne, The People Garden. Il était venu visiter le plateau la journée où j'avais ma grosse scène. L'idée du film est inspirée de gens qu'il connaissait et de son histoire familiale. Il a écrit le scénario en pensant à moi. Il me l'a envoyé et il n'y avait presque pas de dialogues. Cela m'a vraiment happé.
Comment t'es tu préparé pour le rôle? Tu es allé rencontrer des soldats canadiens qui souffrent du trouble de stress post-traumatique?
Je ne peux pas me mettre dans la peau de quelqu'un qui a vécu de telles choses. Je ne peux pas prétendre savoir ce que c'est d'aller à la guerre, de tuer des gens et de rentrer chez soi. Mais il y avait un défi d'explorer ça. J'ai lu beaucoup sur le stress post-traumatique. J'ai rencontré quelques personnes... Il y avait aussi un travail physique. Je voulais être en forme, me sentir comme une machine de guerre. Que le fusil soit un peu comme une extension de mon corps et de mes bras.
On décèle une intensité dans ton jeu qu'on n'avait peut-être jamais vu auparavant...
Je ne fais pas du tout l'effort de rester le personnage entre les prises. Des fois, ça se fait naturellement. C'est juste que ça contamine un peu l'énergie. C'est un peu lourd à porter. Sophie (Desmarais) est venue vers la fin du tournage et elle est restée surprise, car elle m'a trouvé un peu tendu et fermé. Mais quand elle a vu le film, elle a compris... Les trois quarts des scènes, je suis tout seul. C'est un personnage en complète isolation. J'étais tellement content quand j'étais en contact avec les autres! Ça faisait du bien de ne plus être seul dans le bois.
Tu es plus habité que jamais, même si ça ne transparaît pas nécessairement à l'écran.
La difficulté est d'incarner quelqu'un qui est tellement coincé et réprimé en lui, qui donne peu d'accès aux autres. C'était presque du travail de jeu masqué. J'ai l'impression que c'est quelqu'un qui se sert de son visage pour cacher ce qu'il ressent pour ne pas le laisser voir aux autres. Il est poker face extrême.
On sent que la lutte de votre personnage est également intergénérationnelle, auprès de son père qui est un ancien combattant et qui s'enferme dans le silence.
C'est un film qui parle beaucoup des blessures que le silence crée et l'incapacité de communiquer. Le silence, c'est un peu un cancer qui se propage de génération en génération. Ce n'est pas valorisé de parler de ses émotions. Ces gens vivent ces expériences qui sont extrêmes et ils n'en parlent pas. Ce sont des personnages qui en apparences ont l'air très calmes, mais qui à l'intérieur sont en ébullition. Et quand ça sort, ça explose par la rage.
Le long métrage est évidemment politique.
Le film pointe un peu le doigt vers la nation qui considère que ces jeunes hommes-là sont prêts à aller à la guerre et mourir pour leur pays. Et s'ils reviennent, ils sont laissés à eux-mêmes. Il y a une statistique qui dit qu'il y a plus de soldats canadiens qui sont morts par suicide au retour de la guerre que de soldats qui sont morts en Afghanistan.
Tu tournes autant pour la télévision que le cinéma. Le film Marlowe de Neil Jordan avec Liam Neeson doit d'ailleurs prendre l'affiche prochainement. Tu sembles toutefois renouer avec le cinéma québécois, que l'on pense à Au revoir le bonheur de Ken Scott, Norbourg de Maxime Giroux et bientôt 23 décembre de Miryam Bouchard. Tu sens que tu l'avais délaissé ou qu'il t'avait délaissé?
Les deux. À force de ne pas être là, ça n'aide pas. Cela a été un hasard. Il y a un projet que je devais faire au Québec avant la pandémie et qui été repoussé. Juste le fait que j'étais là, j'ai auditionné pour le film de Ken Scott et Maxime Giroux m'a proposé le rôle. Peut-être que les gens pensaient que ça ne m'intéressait pas ou que je n'étais pas disponible. Ici, les gens font un peu de tout. Ce sont les mêmes qui sont à la télévision, au théâtre et au cinéma et à force de ne pas être dans la gang, on m'oublie. Mais là, je me sens un peu plus dans la gang.
Tu passes constamment de productions populaires à des projets plus d'auteurs...
J'aime ça alterner entre quelque chose qui a un potentiel plus commercial et quelque chose de plus intimiste comme La switch qui me permet de plonger plus à fond.