Depuis que Cyrano de Bergerac a lancé sa carrière, Vincent Perez mène une vie bien remplie devant et derrière la caméra. Pour sa quatrième réalisation, Une affaire d'honneur, il traite de l'absurdité des duels dans la France de la fin du XIXe siècle, obligeant un maître d'armes (Roschdy Zem) à y prendre part.
Cinoche s'est entretenu avec l'acteur lors de sa visite à Montréal, dans le cadre du festival Cinemania.
La dernière fois qu'on s'est parlé, c'était pour la sortie du film Demain dès l'aube de Denis Dercourt, où il y avait notamment un duel. Cette fois, la question des duels est au coeur du long métrage...
J'ai toujours eu la certitude qu'il manquait un film sur le sujet du duel. Quand on fait des films de combats et de duels, on connaît toujours les mêmes références : The Duellists de Ridley Scott et Barry Lyndon de Stanley Kubrick. Les Français devaient faire un film sur ce sujet et je sentais qu'il était en moi. J'y pense depuis une vingtaine d'années, mais à l'époque, je n'étais pas encore réalisateur. Là, je le suis et je suis prêt pour raconter cette histoire-là.
Qu'est-ce que le duel dit sur la société de l'époque et sur la masculinité?
C'est vrai qu'au début, je voulais faire un film sur les hommes. Qu'est-ce qu'on a dans notre génétique, cet héritage un peu particulier qui nous pousse toujours à faire la guerre? Je voulais faire un film sur le masculin, la virilité, en cette période où elle est un peu remise en cause dans notre société occidentale.
Vous introduisez un point de vue féminin. Le personnage joué par Doria Tillier fait découvrir une militante qui a réellement existé et qui s'est battue pour le droit des femmes, revendiquant même le privilège de se battre en duel.
Marie-Rose Astié de Valsayre est apparue à travers un article où l'on se moquait d'elle. Ce personnage, qui n'était pas prévu au départ, s'est mis dans notre histoire. Au début, elle n'avait que deux scènes. Mais ce personnage est tellement fort qu'il est devenu la contrepartie de ce monde de virilité et de masculinité...
Elle apporte une touche moderne à l'histoire.
Cette femme fut détestée par les féministes de l'époque, parce qu'elle allait trop loin, elle demandait des choses inacceptables comme l'égalité des salaires. À l'époque, les femmes n'avaient pas d'honneur. Ce n'était pas à elles de le défendre, mais aux hommes. Elles étaient dépendantes. Tout ça résonne avec le monde dans lequel on vit aujourd'hui, où les femmes, dans certaines civilisations, ne peuvent se déplacer sans leur frère, leur mari et leur père.
Une scène du film Une affaire d'honneur - Les Films Opale
Comment s'est développé le scénario avec votre conjointe Karine Silla?
On se réveille le matin et on peut se parler du film, ce dont on a rêvé, ce qui est formidable. Karine possède une mémoire cérébrale, le sens profond des choses humaines. Alors que moi, j'ai un très bon instinct, une très bonne intuition que j'ai enfin libérée. Je lui fais confiance, je l'écoute. C'est vraiment tout récemment que cela a explosé. Je considère ce film comme mon deuxième film. J'en ai fait quatre, mais le fait de le faire en français m'a libéré de quelque chose.
Vous incarnez un colonel qui a soif de violence. Ce qui est un peu une métaphore de l'institution et de la société qu'il représente.
Le fond du film, c'est ça. C'est un monde qui change. Lui, il est resté collé dans le passé, traumatisé par la guerre. Je pense qu'il veut réécrire l'histoire. La France a subi une défaite humiliante à la guerre, et la personnalité de ce personnage, son intimité, a également été humiliée. Il essaie de se reconstruire, de retrouver une dignité. Mon personnage est dépendant au duel. Quand il est devant une épée, c'est comme s'il se retrouvait sur le champ de bataille et qu'il pouvait peut-être changer le destin de la France.
Tout commence quand un jeune homme insulte son honneur.
C'est toute une jeunesse et une société qui n'ont plus de respect pour lui et qui rejettent ceux qui ont fait la guerre et qui méritent les hommages. Ça devient une blessure et une humiliation profonde.
Une affaire d'honneur est un film à costumes. De Cyrano de Bergerac à La reine Margot, en passant par Le bossu, Nouvelle-France, Hochelaga, terre des âmes et J'accuse, cela représente une obsession chez vous?
C'est très curieux. C'est peut-être une incapacité de vivre à notre époque. Je ne sais pas. Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'arrive. (Rires) L'Histoire ou le passé, c'est ce qui nous détermine et qui fait qu'on doit aller vers l'avant. Ce qui me fascine dans l'Histoire, c'est ce qui résonne avec aujourd'hui. Je pense que j'ai vraiment besoin de savoir d'où l'on vient. Parfois, j'ai une obsession sur une période et je veux tout lire sur cette période-là. Je fais mes recherches comme quelqu'un qui part à la mine, qui va chercher des pierres précieuses. Peut-être qu'un jour ça arrivera sur quelque chose qui se passe aujourd'hui. Pourtant, je n'ai pas l'impression que je suis fasciné particulièrement par les films d'époque. Mais je suis un très grand cinéphile et un de mes grands maîtres du cinéma est Akira Kurosawa, qui a fait beaucoup de films historiques.
Une affaire d'honneur prend l'affiche au Québec le vendredi 26 janvier.