Suite très attendue des Trois mousquetaires : D'Artagnan, qui a pris l'affiche plus tôt cette année, Milady permet d'en savoir davantage sur le fascinant personnage d'Athos, qui est interprété par le toujours bouillant Vincent Cassel.
Le plus vieux des mousquetaires doit mener ses troupes - notamment formées de Porthos (Pio Marmaï), Aramis (Romain Duris) et D'Artagnan (François Civil) - dans une guerre sanglante pour protéger la France, et il aura maille à partir avec Milady (Eva Green), une femme trouble issue de son passé.
Cinoche.com s'est entretenu avec l'immense acteur français lors d'une table ronde virtuelle.
Dans le Paris Match, vous parliez d'avoir le courage de ses ambitions pour réaliser des films comme celui-là. Il y a un peu de nostalgie de l'époque à laquelle on en faisait davantage?
Non. Je ne pense pas à la nostalgie, mais plutôt une envie de renouveler les choses, de moderniser, de récupérer une histoire qui appartient vraiment au patrimoine français et qui n'avait pas été adaptée en France depuis plus de 60 ans, ce qui est quand même incroyable. Ç'a toujours été des versions anglaises, anglo-saxonnes ou américaines. Quand on voit les moyens techniques et technologiques qui ont été déployés pour faire ce film, ce n'est pas du tout un cinéma à l'ancienne. Au contraire. C'est un cinéma qui se veut résolument moderne, avec des caméras très immersives, des plans-séquences. Il y avait même l'envie de dépoussiérer les poncifs qu'on peut avoir autour des mousquetaires... Ce n'est pas tellement d'avoir le courage de ses ambitions, mais le moyen de ses ambitions.
Ce côté moderne fait la force de cette adaptation?
La force de tout ça, c'est surtout que les thématiques de Dumas sont vraiment d'actualité. J'étais frappé quand j'ai vu, dans le premier film, à quel point il y avait des résonances avec l'actualité : les problèmes de religions, la manipulation politique, la désinformation. C'est étonnant de voir comment cela peut résonner avec notre époque. Dans le deuxième, j'ai réalisé à quel point le personnage de Milady est un personnage moderne. Un personnage de femme qui s'extirpe de sa condition, qui accède à une ascension fulgurante, qui devient une femme de pouvoir dans un monde résolument masculin. C'est une icône des années 2023, sans aucun doute.
Sentez-vous un désir avec ce diptyque de rivaliser avec les superproductions américains? Il y a des fins ouvertes qui appellent à des suites, des héros plus grand que nature qui pourraient mériter un film à leur effigie, la possibilité d'adapter plusieurs livres classiques...
C'est la fameuse fable de La Fontaine sur la grenouille et le boeuf. Il ne faut pas essayer de faire le boeuf quand on est une grenouille. Je ne crois pas que l'idée était de vouloir faire comme les Américains. C'est juste d'inventer un cinéma populaire français qui permet tout simplement de ramener les gens en salles pour aller voir autre chose que des super-héros. Aujourd'hui, on a très facilement la flemme d'aller en salle. Il faut qu'on ait une proposition qui soit vraiment attrayante pour qu'on ait envie de voir les choses sur un grand écran. On ne va pas être compétitif avec Avatar. Ce n'est pas possible, ce n'est pas notre culture. Les super-héros, ce n'est pas notre culture non plus. Les quelques tentatives de Français de faire des films de super-héros étaient à la limite du pathétique. En revanche, on a, dans la littérature française, des histoires incroyables, des personnages qui sont connus et qui résonnent à l'international.
Votre père a joué Louis XIII dans la version de Richard Lester, et c'est Oliver Reed qui jouait le personnage d'Athos. Vous avez assisté à ce tournage...
Oui, j'avais six ans. J'ai des souvenir des décors, de ces costumes, de mon père en Louis XIII avec ce truc argenté sur la tête, de tous ces acteurs : Geraldine Chaplin, Michael York, Christopher Lee, Charlton Heston. Je me rappelle de la démesure de tout ça. Je pense que c'est un des films où je me suis dit : « Tiens, peut-être un jour, j'aimerais bien faire ça, moi aussi. » (Rires)
Avec ce deuxième film, on apprend à connaître un peu plus votre personnage. En tant qu'acteur, qu'est-ce qui vous marque particulièrement chez Athos? Il y avait des caractéristiques qui ont été compliquées à interpréter?
J'ai envie de vous dire que quand c'est compliqué à interpréter, c'est qu'il y a un problème de scénario. Quand c'est bien écrit, ça coule de source. Ce qui m'intéresse chez Athos, c'est que c'est un personnage crépusculaire, habité, tragique et profondément romantique. Ça, au cinéma, c'est toujours payant.
Vous avez déjà évoqué que vous étiez trop vieux pour ce rôle...
La vérité, c'est que nous sommes tous trop vieux pour jouer les personnages du roman et moi, particulièrement. J'avais 55 ans quand j'ai tourné le rôle et le personnage en a à peine 30 dans le roman. Plutôt que de me rajeunir pour pouvoir matcher avec les autres acteurs, je me suis dit : « Non, je vais plutôt aller dans le sens de ce que je suis et de ce que je représente aujourd'hui... » Je pense que cela a accentué le rapport père-fils entre D'Artagnan et Athos. J'ai pris beaucoup de plaisir à l'interpréter dans ce sens-là. Ce qui est fantastique, c'est que François Civil a complètement joué le jeu, et c'est devenu pratiquement une partie prédominante du second volet.
Une scène du film Les Trois Mousquetaires : Milady - SPHÈRE Films
Athos est le personnage qui a la plus grande fêlure.
Peut-être. Mais c'est aussi celui qui a le plus d'expérience. Et forcément, avec le vécu, plus on vit, plus on est marqué, et plus on a des cicatrices. C'est bien connu. De par son âge, effectivement, il a eu plus de déceptions. Il a vécu des guerres, littéralement plusieurs. C'est un homme qui vit dans le passé en rêvant d'une rédemption qu'il pense ne plus pouvoir avoir. Il se trouve que la vie est pleine de surprises, et on se rend compte, dans ce second épisode, qu'il n'était pas au bout de ses surprises. (Rires)
C'est une autre belle façon de jouer sur votre âge.
Pour moi, Athos, c'est un vieux loup gris. Il est malin. Il se bat plus avec sa tête qu'avec son physique. Il est plus fourbe. Il fait souvent des trucs par derrière. Il donne des coups de genou dans les couilles. Il donne des coups de couteau, alors que dans la seconde d'avant, il a l'air sympathique. C'est le seul qui a les cheveux longs : comme si c'était une mode du temps passé que les autres, plus jeunes, n'ont pas.
On sent une réelle chimie entre les quatre mousquetaires. Comment on développe cet esprit de camaraderie pour qu'elle soit palpable à l'écran?
J'ai envie de vous dire que quand elle n'a pas lieu, il faut faire semblant. C'est beaucoup de travail. Là, en fait, j'étais très pote avec Romain Duris depuis plusieurs années. On a un peu grandi en parallèle dans le cinéma et on a toujours eu des rapports amicaux qui ne se sont jamais perdus avec le temps. Pio Marmaï et François Civil se connaissent très bien de leur côté et ils étaient déjà très potes. Ce qui était intéressant, c'est qu'on était tous très curieux les uns des autres. On s'est rencontré la première fois quand on faisait de l'escrime. On avait des protections et on s'est battu. Cela a été notre premier rendez-vous. Mais on s'est vraiment, vraiment marrés. Comme il y avait de la curiosité et de l'admiration mutuelle dès le premier rendez-vous, je savais que ça allait marcher. On était content d'être ensemble, on était fier de faire partie du même groupe. Cela n'a pas été du travail, ça été plutôt une partie de rigolade. Et les quelques fois où je devais tourner sans eux, j'étais un peu triste et j'attendais qu'ils reviennent.
Les scènes d'action en plans-séquences sont impressionnantes et sûrement complexes à réaliser. En tant qu'interprète, comment on se joint à la danse?
La baston, dans les films, c'est de la danse. Je dis toujours que Fred Astaire et Jackie Chan, c'est pareil. Ce qui est intéressant, c'est la créativité. Ce n'est jamais vraiment du réalisme. C'est toujours une transposition. Il faut que ce soit beau mais que ça fasse mal. Les bagarres et les combats dans les films, c'est définitivement de la danse. Et comme vous avez l'air de le savoir, j'ai commencé par la danse. J'ai fait du cirque et de la danse classique pendant des années et je me suis rendu compte par la suite comment cela me servait pour pouvoir interpréter tous les rôles physiques que j'ai eu à interpréter par la suite.
À la fin du deuxième film, on nous laisse avec une finale mystérieuse. Une suite est à prévoir?
C'est très simple. Ces deux films, c'est l'adaptation du premier tome. Et il y en a trois. Donc, j'ai envie de vous dire : Si le deuxième marche aussi bien que le premier, ça ne m'étonnerait pas qu'on en fasse un troisième. Mais il n'est pas tourné.
Les Trois Mousquetaires : Milady prend l'affiche le 15 décembre.
Une scène du film Les Trois Mousquetaires : Milady - SPHÈRE Films