Oeuvre d'ouverture du Festival international du film pour enfants de Montréal, Écho à Delta plonge une famille dans l'incertitude, alors qu'un gamin de 10 ans (Isak Guinard Butt) soupçonne que la disparition de son frère de sept ans est causée par des extraterrestres.
Cinoche.com a rencontré le cinéaste Patrick Boivin qui, après avoir fait ses premières armes sur l'émission culte Phylactère Cola, a mis en scène des centaines de courts métrages tout en coréalisant les longs Bunker (2014) et Enfin l'automne (2011).
Écho à Delta représente pour vous plusieurs premières fois : c'est votre premier long métrage que vous réalisez seul, et le premier film que vous mettez en scène à partir d'un scénario que vous n'avez pas écrit.
C'est vrai. Travailler seul m'a permis de prendre plus de risques, d'aller à fond dans ma folie. Tandis que travailler avec un scénariste m'a permis d'avoir une vision extérieure à l'histoire. Comme auteur, j'ai beaucoup de mal à me détacher des bonnes idées que je pense avoir. Et les idées qu'on pense bonnes ne sont pas toujours bonnes. Le scénariste Jean-Daniel Desroches connaissait mon travail et il a beaucoup écrit en pensant à moi.
Même s'il s'agit d'un film destiné à toute la famille, le récit traite de thèmes sensibles comme le deuil et le déni.
La chance que j'ai, c'est que j'ai deux enfants de cet âge-là. J'ai pu voir leur perception, ce qu'ils aiment et n'aiment pas. Oui, la base du film est très dramatique. Mais en même temps, il y a toute une compréhension du drame et une fuite qui correspond à ce que mes enfants ont vécu dans d'autres contextes que celui de la mort. Après, on prend des risques et on va voir si ça marche... Comme père, cela m'a beaucoup touché. J'ai pleuré sur le plateau. Ce n'est pas un sujet dont on parle souvent. J'ai eu l'occasion d'en parler avec mes enfants à cause du film. Qu'est-ce que c'est la mort? Et si ça arrivait? Le film permet cette discussion-là.
En même temps, il s'agit d'une oeuvre lumineuse et imaginative, très léchée visuellement, qui rappelle l'importance de rêver. Comment décririez-vous votre style?
Il n'y avait pas une intention de style. Je pense que c'est là où je suis rendu dans ma vie pour raconter des histoires. J'essaie d'avoir une logique narrative avec la caméra qui devient un personnage. Je ne coupe pas si je n'ai pas besoin. Et j'essaie de ne tourner que ce dont j'ai besoin à l'écran. Mes films, je ne les réalise pas à la salle de montage. Ils sont storyboardés. Avant, j'étais un dessinateur de bandes dessinées. J'ai dessiné le film au complet : tous les plans et tous les mouvements de caméra. Ça m'aide dans mon travail. Je ne suis jamais nerveux et ça me permet d'être plus proche des acteurs, de passer plus de temps avec eux. Sans cette préparation, je n'aurais pas pu faire le film. Je me suis retrouvé un mois avant le tournage sans directeur de la photographie. C'est moi qui a fait la photo et le cadrage. Si j'avais dû faire la mise en scène en même temps, je n'aurais pas réussi.
Image du film Echo à Delta - Productions Kinesis
Isak Guinard Butt est surprenant dans le rôle principal, véhiculant des émotions complexes. Il sort d'où?
Isak est la plus grande surprise du film. Le film a été mis sur la glace à cause de la COVID et on a dû repartir en casting, car les acteurs choisis avaient grandi. Martin Dubreuil, qui joue un des personnages importants du film, m'a appelé pour nous dire que le fils de son ami aimerait jouer. On l'a invité au casting. Parce que c'était la suggestion d'un ami, on l'a un peu négligé. Mais on est retourné le voir avec un oeil frais. J'ai beaucoup aimé son petit côté désinvolte, bum. Ça me parlait beaucoup. Isak n'avait aucune expérience. C'était un risque à prendre. J'avais envie de le coacher, et ç'a été extraordinaire. Il avait 10 ans quand on a tourné, et il possédait une maturité que peu d'enfants de cet âge ont. On a tourné pendant 28 jours et il était de toutes les scènes. Pour moi, c'est un phénomène. Il possède un charisme extraordinaire!
Les films québécois qui s'adressent aux enfants sont de plus en plus nombreux à prendre l'affiche. Pensons seulement à Coco ferme, Katak, le brave béluga, Dounia et la princesse d'Alep, Toupie et Binou, Jules au pays d'Asha et récemment la coproduction Kina & Yuk: renards de la banquise.
J'aime beaucoup ça. L'erreur est de penser que ces films ne s'adressent qu'aux enfants. Mais en réalité, les enfants ne vont pas voir les films seuls. Ce qu'on a essayé de faire avec Écho à Delta, c'est un film qui plaît aux parents. Ce film-là me permet d'avoir une expérience de spectateur qui n'est pas la même que celle des enfants.
Quels sont vos films familiaux préférés?
Stand by Me m'a beaucoup touché. Tout comme E.T. qui reste un incontournable. Après, étrangement, j'ai toujours été très psychotronique pendant ma petite enfance. Pour moi, The Lost Boys est un film familial! Vraiment! C'est un film très important au niveau des rapports entre un grand frère et son petit frère, avec les amis. La gang de chums qui part en mission pour essayer de sauver le frère. C'est un contexte complètement différent, mais c'est une référence intéressante pour Écho à Delta.
Écho à Delta prend l'affiche le 1er mars.