Avec son complice Éric Toledano, Oliver Nakache a offert quelques-unes des comédies françaises les plus appréciées, dont le film culte Intouchables. Pour leur nouvelle création, Une année difficile, ils s'intéressent au quotidien de deux hommes surendettés (Pio Marmaï et Jonathan Cohen) qui s'impliquent dans un groupe d'activistes écologiques.
Cinoche.com s'est entretenu avec le cinéaste dans le cadre des Rendez-vous d'Unifrance, à Paris.
Qu'est-ce qui vous a amené vers Une année difficile?
On venait de faire En thérapie - qui n'était pas du tout drôle - et on avait envie de rire. On a commencé à créer un personnage surendetté. Au fil de nos enquêtes, on s'est retrouvé à suivre une personne dans un atelier d'éducation budgétaire, et il est allé à un Black Friday. Là, on a vu des militants et on a tout de suite trouvé le sujet du film. Après, la pandémie est arrivée et elle a modifié ce qu'on écrivait.
Vous n'épargnez rien ni personne. Vous vous moquez à la fois de la société capitaliste et du surendettement, mais également des militants écologiques. Cela ne donne pas un message ambigu?
Pas du tout. Ces jeunes militants ont des inquiétudes qui sont profondes et justifiées. Quand on est arrivés à la première réunion, il a fallu se donner un surnom, comme Antilope et Pom Pom. Pour nous, c'est source de comédie. On n'a rien inventé. Mais pas question de se moquer d'eux.
Afin d'éviter de s'enliser dans leur existence, ces personnages décident de mener un combat. De votre côté, quel est ce combat? Le cinéma?
Oui, c'est le cinéma. C'est notre huitième film et cette chance qu'on nous laisse de raconter des histoires, on la prend très au sérieux. C'est une responsabilité. Quand on écrit un film, on pense beaucoup à la salle de cinéma. On pense aux gens qui vont payer une place, à qui on prend deux heures de leur temps. Il faut qu'ils entrent en connexion avec l'écran pour ne plus qu'ils pensent à leur téléphone. Il n'y a plus beaucoup d'endroits comme ça... Faire un film, c'est un combat. Quand je vois un film qui ne raconte pas grand-chose, ça me frustre. J'ai envie de rire, d'être ému, d'être tabassé, d'être remué. Je n'ai pas envie d'être tiède.
À l'instar de vos précédentes créations, vous mélangez à nouveau le divertissement humoristique et le drame social...
Cela vient naturellement. Je ne sais pas ce qui est inné et ce qui est acquis de notre jeunesse. On est toujours attirés vers des sujets sociétaux qui sont compliqués, comme l'autisme, les handicaps, les sans-papiers. Et on a envie d'amener ça au cinéma avec notre ton à nous. Comme le faisait les Italiens dans les années 1970, comme le font les comédies anglaises et le cinéma québécois. Il y a des films et des scénaristes québécois qui parlent de sujets compliqués, mais avec humour. Cette légèreté-là ne tue pas le fond : elle l'élève. C'est ça qui nous passionne, qui nous anime.
Une scène du film Une année difficile - SPHÈRE Films
Le duo est souvent roi dans votre filmographie. Pourquoi avez-vous fait appel à Pio Marmaï et Jonathan Cohen? Ils ont un type d'humour très différent, ce qui donne une alchimie assez particulière.
On est un duo de mecs et on écrit beaucoup sur les mecs. On aimerait écrire sur des duos féminins, mais on fait avec ce qu'on est... Ce décalage entre les deux acteurs nous intéressait beaucoup. Pio Marmaï est dense, très puissant, il vient du théâtre. Tandis que Jonathan est un électron libre, il a mille idées par minute. Ils ne se connaissaient pas du tout et on avait envie de les mélanger. On a ensuite eu l'idée de glisser au milieu Noémie Merlant et Mathieu Amalric, qui nous a fait l'honneur d'accepter.
Il est hilarant...
Oui, vraiment. Dans la vie, il y a les acteurs et il y a Mathieu Amalric. (Rires) Il est sur sa planète. Comme j'imagine, d'ailleurs, Daniel Day-Lewis. Ce sont des acteurs qui sont au-dessus, qui sont vraiment incroyables. C'est vrai que ce qui nous excite dans chacun de nos films, c'est de mélanger les acteurs qui viennent souvent de familles différentes. On aime cette chimie-là. On veut proposer quelque chose d'original.
Une année difficile est sans doute votre film le plus romantique. Vous embrassez même le conte à la toute fin, en faisant entendre une chanson de Jacques Brel. Quand tout va mal, c'est l'amour qui va nous sauver?
L'amour et la poésie. Surtout dans des périodes aussi agitées que celle dans laquelle on vit aujourd'hui. C'est peut-être naïf ou utopique. Mais s'il y avait un petit peu plus de poésie et d'amour dans le monde, ça irait mieux. C'est pourquoi ça fait du bien de réécouter des chansons de Jacques Brel. Il a tellement réussi à sonder l'âme humaine. En les réécoutant, on se dit qu'il y a peut-être des solutions dans ses textes.
Ces temps-ci, les gens qui réalisent en duo - comme les frères Coen ou les frères Safdie - s'essaient en solo. C'est quelque chose qui pourrait vous intéresser? Ou vous resterez toujours unis, comme les frères Dardenne?
Je n'ai pas du tout envie de réaliser en solo. C'est une chance de travailler à deux. On n'est pas trop de deux à guetter les miracles et les imprévus. C'est pour ça qu'il y a toujours beaucoup de choses dans nos films, car on a deux fois plus d'idées!
Vous avez déjà eu le désir de faire une suite à un de vos films?
Jamais. Tu ne peux pas imaginer combien de fois on m'a demandé de faire une suite à Intouchables. Je pense qu'une suite abîme forcément l'original. Pourtant, il n'y a pratiquement que des suites qui sont annoncées en salle en 2024. On entre dans une ère qui est très feuilletonnant. Je suis un gros consommateur de séries et c'est fantastique. Mais le cinéma, c'est comme un diamant, c'est complètement différent... La vie est trop courte. Autant essayer quelque chose d'autre, découvrir de nouveaux territoires. Il faut laisser le film avoir sa propre vie, le laisser grandir dans l'imaginaire des gens.
Une année difficile prend l'affiche partout au Québec le 12 avril.