Ernest et Célestine occupent une place à part dans le coeur des enfants. Autant les livres de Gabrielle Vincent que la première adaptation cinématographique qui a vu le jour en 2012. L'ours et la souris sont de retour au grand écran avec Le voyage en Charabie, alors qu'ils doivent tenter de restaurer la musique d'un pays où elle a été proscrite.
Cinoche.com s'est entretenu avec ses cinéastes Jean-Christophe Roger et Julien Chheng...
De quelles façons sentez-vous que ce film respecte la vision de Gabrielle Vincent?
Julien Chheng: Gabrielle Vincent était une peintre formidable. Elle avait un esprit rebelle. Elle mettait sa peinture au service des enfants. Il y a cet esprit-là qu'on a essayé de garder. On voulait faire un film qui s'adresse aux enfants et surtout aux jeunes adultes qui sommeillent dans l'enfant. On croit beaucoup à l'intelligence de l'enfant. Et ça, je pense que c'est dans l'héritage de Gabrielle Vincent.
Quelle est votre relation avec le précédent long métrage d'Ernest et Célestine, qui a pris l'affiche il y a 10 ans? Comment succéder à cette animation qui a remporté un immense succès critique et public?
Jean-Christophe Roger: Julien et moi, on a travaillé pour la télévision sur une série de 26 films d'Ernest et Célestine. On est vraiment baigné dans cet univers. On a eu le temps d'échanger nos visions. Le premier film était très réussi. On n'a pas essayé de le calquer, mais de faire un film qui nous ressemblait.
Votre film regorge de thèmes comme la censure et l'exil, qui a poussé Ernest à quitter son pays, car il ne pouvait être libre de mener sa vie comme il voulait et de faire de la musique...
JCR: Oui. Il est hanté par ce souvenir de son pays, de sa famille. À cause d'un violon cassé, il va être amené à retourner dans son pays et à être confronté à son père, aux lois et aux conséquences de ses choix. On a une thématique forte qui est que chacun est responsable d'écrire sa propre vie. C'est un thème qui résonne auprès des jeunes. Il y a beaucoup de contraintes dans la société et dans le monde. Ce n'est pas facile de se projeter, d'imaginer ce qu'on peut faire.
Sur le plan visuel, les images sont magnifiques. Une simplicité et une épuration en ressortent. Souvent dans l'animation contemporaine, on met plus de détails, on mise tout sur l'esthétisme. Alors qu'ici, le dessin se suffit par lui-même. Il est assez fort sans qu'on l'enrobe inutilement.
JC: C'est très juste ce que vous dites. Ernest et Célestine est un film qui est assez difficile à maîtriser. Il nécessite un très bon niveau de dessin et en même temps un véritable oeil d'artiste, parce qu'il faut choisir ses traits avec parcimonie et faire le plus avec le moins. Par exemple, il faut donner le plus d'émotions en élaborant des mouvements très subtils.
La musique est également au coeur du récit...
JC: On a beaucoup travaillé avec Vincent Courtois, le compositeur de la musique. Normalement sur un film d'animation, la musique est composée vers la fin de la fabrication des images. Là, on avait vraiment besoin de la musique en amont pour poser un peu le rythme et le ton de certaines séquences, pour nous aider à faire le storyboard.
C'est aisé de s'adresser aux enfants sans s'aliéner les parents?
JC: C'est un travail d'équilibre qu'on cherchait à faire depuis le début de la conception du film. L'idée est toujours de partir d'éléments simples et accessibles pour les enfants et ensuite d'agrandir le propos. C'est comme ça qu'on arrive à parler aux enfants et aux parents. Parce que le film suscite beaucoup de dialogues entre eux. Par exemple, quand on dit en Charabie que « C'est comme ça, et pas autrement', c'est une règle que les enfants comprennent bien. Car c'est quelque chose qu'ils entendent à la maison. Et ils peuvent en parler avec leurs parents.
Entre Ernest et Célestine, votre coeur balance pour quel personnage?
JCR: Célestine est la véritable héroïne du film. Même quand Ernest la rejette, elle comprend qu'il est coincé dans un truc familial impossible et au lieu de se vexer, elle va essayer de le sauver. C'est elle qui a une grandeur d'âme.
JC: Pour moi aussi, c'est Célestine. Les deux fonctionnent toujours en duo. Ernest et Célestine est un duo de cinéma qui est vraiment très fort. Ils sont tantôt les meilleurs amis du monde, tantôt ils ont ce rapport de parents et d'enfants. Et ils ont aussi parfois ce rapport presque amoureux. Ce qui fait que l'un ne fonctionne pas sans l'autre d'un point de vue cinématographique. Il y a vraiment ce contraste sur lequel on a joué qui rend le duo très fort.