Lauréate de trois Césars de la meilleure actrice, Karin Viard est une incontournable du cinéma français, étant à l'affiche de films aussi variés que La famille Bélier, Polisse et Les visiteurs: La Révolution. Sa propension à se métamorphoser complètement force l'admiration, tout comme celui de faire triompher l'humanité de ses personnages burlesques ou antipathiques.
Cinoche.com. s'est entretenu avec cette comédienne d'exception qui était de passage à Cinemania pour présenter ses plus récents longs métrages Magnificat, Nouveau départ et Une nuit.
Qu'est-ce qui a attiré votre attention dans Magnificat de Virginie Sauveur, un projet insolite où vous incarnez une chancelière de diocèse qui mène une enquête lors de la mort d'un prêtre qui était en fait... une femme.
Je trouvais que le sujet de la place des femmes dans l'Église et dans la religion catholique était majeur. Pourquoi les femmes sont toujours les boniches des curés et des hommes? Pourquoi elles ne pourraient pas faire la messe? Pourquoi ce sont toujours elles qui s'inclinent? Elles ont le droit de prier, mais elles n'ont pas le droit de célébrer le Christ. Ce que j'aime beaucoup dans ce film, c'est que ça respecte complètement la foi tout en interrogeant le dogme. Je trouve que c'est beau et important.
Il s'agit d'une oeuvre sobre où les personnages servent l'histoire. C'est aisé de s'effacer ainsi? C'est évidemment ce qu'on demande aux acteurs, mais vos plus beaux rôles - comme dans Haut les coeurs! et Les chatouilles - sont ceux où on vous donne de l'espace pour briller.
C'est vrai que la gageure, pour moi, c'était d'être crédible avec une croix en bois dans le cou et en étant soumise à l'autorité ecclésiastique. À priori, quand on me voit, je suis une femme plutôt libérée, assez extravertie. Ici, c'était complètement l'inverse. Je jouais un peu en mode mineur. J'aime bien ces personnages qui se rencontrent, qui se libèrent et qui se transforment. Je dirais que c'est le dénominateur commun de tous mes personnages ou presque... sauf celui des Chatouilles.
Vous êtes également à l'affiche de Nouveau départ de Philippe Lefebvre, une comédie où vous incarnez une cinquantenaire en crise, au grand dam de son mari incarné par Franck Dubosc.
J'adore les comédies, mais j'en lis peu qui m'intéressent. J'ai trouvé cette comédie formidable. Ce n'était pas convenu, ce n'était pas cousu de fils blancs, il y avait des rebondissements et en plus c'était un sujet extrêmement pertinent. Les enfants sont partis de la maison et tu rediscutes le contrat de départ... Est-ce que tu as encore envie de te retrouver en couple? Même si le sujet a été vu plein de fois, je trouvais son traitement plutôt original. Et j'aimais beaucoup mon personnage. Il est savoureux, discutable, très imparfait et pas toujours sympathique. Mais dans ses apitoiements, je la trouvais très sensible et très émouvante.
Comment arrive-t-on à passer d'un registre dramatique à celui plus humoristique? Car vous avez établi votre carrière sur ce contraste, de Rôle de sa vie à Rien à déclarer, combinant parfois les deux sur La famille Bélier.
J'ai la comédie et le drame en moi. Mais je pense que la comédie, tu nais avec. Le tempérament comique, tu l'as ou tu ne l'as pas. Tu ne peux pas l'inventer. En général, les gens qui ont un tempérament comique ont une dimension plus tragique aussi dans l'intime... C'est plus facile de jouer le drame. Le drame te demande d'être premier degré et d'être très sincère dans ton premier degré. La comédie, ça te demande d'être premier degré, d'être très sincère dans ton premier degré et aussi d'avoir un deuxième degré pour ne jamais oublier le rythme. Si tu n'es pas dans un bon rythme, la comédie tombe à l'eau. Moi, j'aime faire des choses différentes, ne pas toujours creuser le même sillon. J'aime bien pouvoir me balader dans des univers très différents.
Une scène du film Nouveau départ - AZ Films
Puis vous êtes en vedette dans Une nuit d'Alex Lutz, une romance existentielle sur deux inconnus qui n'arrivent pas à se dire au revoir.
Je l'ai écrit avec Alex. On s'est dit qu'on allait profiter de notre belle et grande amitié dans laquelle il n'y a aucune ambiguïté, aucune tension sexuelle, pour la transposer dans une histoire d'amour. On s'interroge sur c'est quoi, aujourd'hui, d'être une femme, d'être un homme, d'avoir des désirs, des aspirations, etc. Je trouve que c'est un film très intime qui nous raconte beaucoup, Alex et moi.Qu'est-ce qui guide vos envies de jeu?
C'est l'histoire, ce que ça raconte et comment c'est raconté. Tu peux être très attiré par un metteur en scène, mais si l'histoire n'est pas terrible, tu peux prendre le risque de faire le plus mauvais film du metteur en scène. Avant, quand j'étais jeune actrice, je pouvais choisir un rôle qui me plaisait infiniment dans un film qui n'était pas terrible. Mais avec la maturité, je pense aujourd'hui qu'on a besoin d'avoir aux commandes un très bon metteur en scène et une très bonne histoire. Le rôle, ça passe après.
Quels sont les films ou les cinéastes qui ont joué un rôle marquant dans votre parcours?
Solveig Anspach a été importante. On avait un lien très intime dans notre collaboration. Elle était capable de filmer avec beaucoup de vérité mon intime. Elle est malheureusement décédée et elle me manque cruellement. Sinon, j'aime beaucoup les frères Larrieu pour leur liberté, leur fantaisie. Ils m'ont choisie comme une poupée de sexe et ça m'amuse. Ils repoussent toujours les limites. Il y a quelque chose de très sain dans leur regard. J'aime bien ce qu'ils proposent. Qui d'autre? Cédric Klapisch a été quelqu'un de très important pour moi. Il m'a donné un excellent conseil dont je me sers toujours. C'est que pour défendre un personnage, il faut l'assumer jusqu'au bout. Et c'est ça que je fais. Parfois, tu joues des personnages très discutables, odieux et méchants. Je ne me pose pas de questions à savoir si on va m'aimer ou non dans ce rôle. Je me dis seulement comment le servir au mieux, comment l'assumer au maximum afin de le rendre humain.
Magnificat prend l'affiche au Québec en 2024.
Nouveau départ est présenté le 12 novembre à 20h15, au Cinéma Impérial. Le film prend l'affiche en 2024.