S'appuyant sur le concept de Justice Restaurative qui a été développé au Québec, des victimes et des agresseurs dialoguent dans des dispositifs sécurisés. Tel est le sujet du bouleversant Je verrai toujours vos visages, le nouveau long métrage de Jeanne Herry (Pupille, Elle l'adore).
Cinoche.com. s'est entretenu avec la fille de l'actrice Miou-Miou et du chanteur Julien Clerc lors de son passage à Montréal...
Qu'est-ce qui vous a attirée vers ce sujet?
J'ai entendu un podcast sur les premiers dispositifs de la Justice Restaurative menée en France. Je suis allée me renseigner et j'ai trouvé qu'il y avait du cinéma partout. C'était très passionnant et propice à écrire ce que je préfère : des scènes d'action psychologiques avec des partitions très relevées pour les acteurs.
C'est fascinant comme processus, parce que cela ouvre une discussion entre une victime et un agresseur. Quand on connaît l'autre personne, on est capable de se mettre dans sa peau. Cela permet de créer de l'empathie.
Oui, on comprend l'intérêt et la pertinence de ce genre de dispositif. On comprend pourquoi c'est réparateur pour des gens, pourquoi c'est un peu apaisant et pourquoi ça marche. C'est ça qui est beau dans ces dispositifs. Ils ne sont pas utopiques du tout. Ils existent, ils sont éprouvés, ils sont encore plus éprouvés au Québec qu'en France. Évidemment, ils ne correspondent pas à tout le monde. Mais ils sont, pour la majorité des gens, très réparateurs... Quand on prend le temps de s'écouter et qu'on arrive à entendre un peu mieux la subjectivité de l'autre, ce qu'il a vécu, ça aide à comprendre.
Je verrai toujours vos visages semble être en continuité avec votre précédent Pupille, que ce soit au niveau de l'émotion véhiculée ou de la tendresse déployée.
Oui, c'est sûr que ce sont deux films qui sont cousins. En sortant de Pupille, j'avais pris un gros shoot d'émotions. C'était intense à écrire et intense à faire. J'avais envie de creuser un sillon sur le collectif, sur la parole, sur l'émotion. Visiblement, je n'avais pas envie d'arrêter. Peut-être que là, je vais essayer de faire autre chose. (Rires) Ce n'est pas rien à porter, ce projet.
Comment avez-vous construit la mise en scène de votre film? Tout semble si simple au niveau des champs-contrechamps, alors qu'il doit y avoir un grand travail derrière cela.
Ma mise en scène est simple et précise. Je la mets au service du scénario. J'essaie de trouver les mouvements de caméra justes. C'est sûr que c'est beaucoup de champs-contrechamps sur des visages et des corps. Pour moi, un beau champ-contrechamp, c'est l'essence du cinéma. Ce sont des visages qui écoutent, des visages qui parlent, des visages qui sont traversés. Ce qui m'intéresse, ce sont les visages des gens et leurs voix. Lorsque j'écris, j'essaie de travailler sur la tension. Et dans la mise en scène, j'essaie de tout dédier aux acteurs. Je cherche à mettre un écrin autour d'eux pour recueillir leur travail. Parce que leur travail est difficile et intense.
Une scène du film Je verrai toujours vos visages - AZ Films
Le long métrage mélange des acteurs aguerris comme Adèle Exarchopoulos et Gilles Lellouche à des nouveaux venus. Mais contrairement à la plupart des films choraux, chaque personnage a son mot à dire, son importance, ce qui permet de créer des portraits.
C'est une question d'équilibre à trouver. J'aime bien ça, la recherche d'équilibre. Dans la vie, je suis un peu maladroite et je tombe facilement. Je n'ai pas beaucoup d'équilibre physique. (Rires) Donc j'essaie d'avoir un bon équilibre mental. Ce projet était encore pire que Pupille en terme de choralité, parce qu'il y avait plus de personnages. Après, il y a un gros travail de montage. Originellement, il y avait beaucoup plus de matière. Le scénario était beaucoup trop long. Il a fallu faire les bons choix pour couper ce qu'il fallait. L'équilibre du film se trouve aussi dans son déséquilibre. Le personnage d'Adèle Exarchopoulos est plus déployé que les autres. Il faut forcément prioriser des gens et trouver un équilibre pour les autres. Bref, c'est du travail! (Rires)
Quels sont les films ou les cinéastes qui ont été importants dans votre cinéphilie?
En France, il y a deux équipes. Il y a les Godard et il y a les Truffaut...
Je sens que vous êtes de l'équipe Truffaut.
Ha ha ha! Tout à fait! J'ai beaucoup de lacunes dans ma cinéphilie. Je n'ai pas vu beaucoup de Godard, et quand j'en ai vu, à part un ou deux comme Pierrot le fou, je me suis un peu ennuyée... Ma base, c'est Alfred Hitchcock, François Truffaut, Claude Sautet, Woody Allen, Sidney Lumet. Son chef-d'oeuve Douze hommes en colère était d'ailleurs une référence pour Je verrai toujours vos visages.
Je verrai toujours vos visages prend l'affiche le l7 novembre.