Réalisateur inclassable qui est à la fois capable de maîtriser le suspense hitchcockien, la comédie familiale et le drame de moeurs, Cédric Kahn est de retour avec deux films de fiction. Dans Le procès Goldman, il ressasse une étonnante histoire vraie sur un militant d'extrême gauche accusé de meurtres. Puis, sur le plus ludique Making of, il relate les nombreuses péripéties qui surviennent pendant le tournage d'un film.
Cinoche.com s'est entretenu avec le metteur en scène lors de son plus récent passage à Montréal.
Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser au procès Goldman?
Parce que c'est une histoire incroyable. Il y a un mythe autour de Pierre Goldman en France. Ce n'est pas un personnage neutre. Il y a un film à faire sur sa personnalité. Je n'avais pas du tout l'idée de faire un film biographique. Je trouvais que le procès était une bonne distance avec lui. Après, il y a le film qu'on croit faire, et le film qu'on fait. Avec le travail et les recherches, cela devient un film autant sur la justice et sur la machine judiciaire que sur lui.
Pratiquement tout le film se déroule en cour, ce qui est un véritable tour de force. Comment arrive-t-on à soutenir l'intérêt du spectateur pendant tout ce temps, alors que le récit est si verbeux?
C'est un pari. J'avais plus d'inquiétudes que de certitudes. J'étais affolé au premier montage. J'ai dit au monteur : « C'est horrible! Qui va regarder ça? C'est interminable! » Il m'a répondu : « Ne t'inquiète pas, c'est absolument passionnant, on ne s'ennuie pas du tout ». Cela fabrique de la confiance, et cette confiance fabrique de la qualité. Quand on s'inquiète, on détruit.
Le processus du huis clos doit donner beaucoup de liberté.
Tout à fait. C'est un grand confort de tournage de rester au même endroit. Cela permet de rester extrêmement concentré sur ce qu'on raconte et sur les acteurs. Du matin au soir, je faisais ce que j'aimais le plus faire, c'est-à-dire filmer des acteurs disant des dialogues.
Vous avez réalisé 13 longs métrages, et celui-ci est possiblement votre meilleur. Que s'est-il passé de différent sur ce projet?
Je ne pourrais pas dire pourquoi. C'est trop tôt. Mais ça ne se fait pas tout seul, un film. Un bon film, c'est la rencontre entre un sujet et un réalisateur... C'est un film qu'on a fait avec très peu d'argent, dans un esprit très collectif. Peut-être que c'est ça, le secret. J'ai senti qu'il y avait un enthousiasme très, très grand à faire le film de la part de tout le monde.
Une scène du film Le procès Goldman - FunFilm Distribution
Après un sujet aussi dense et sérieux que l'affaire Goldman, vous proposez Making of, une oeuvre plus légère sur l'envers d'un tournage de cinéma. Jusqu'à quel point on met du sien dans un tel projet?
On puise à fond dans l'autobiographie. C'est un de mes films les plus personnels. Il y a beaucoup de moi et beaucoup de choses que j'ai vécues. Effectivement, le pari du film était de faire une comédie. Mais ce n'est pas un travail léger de faire une comédie! (rires) C'est peut-être la chose la plus difficile que j'ai eu à faire. Goldman, je ne l'ai pas fait dans la sueur. Je l'ai fait dans une forme de légèreté et d'allégresse. Tandis que Making of a été un film très difficile à écrire, à réaliser et à monter. Sous ses airs légers, c'est un film très politique, où je dis beaucoup de choses sur les rapports de violence dans ce métier, sur ce que je ressens de ces 30 années passées dans le cinéma.
Pourquoi plusieurs cinéastes finissent par faire un film sur le cinéma? Pensons à François Truffaut ou, plus récemment, à Steven Spielberg. Le vôtre s'apparente au récent Vers un avenir radieux de Nanni Moretti...
Moretti, c'est vraiment ma référence. Vraiment. De mon côté, cela fait très longtemps que j'ai envie de faire un film sur le cinéma. J'avais deux certitudes dans la vie : que je ferais un film sur le cinéma, et que cela allait être une comédie pour pouvoir me moquer de moi-même. Il y a beaucoup d'ironie sur le personnage du réalisateur. Je le montre un peu comme un personnage catastrophique.
Qu'est-ce qui guide vos envies de réalisation? Parce que votre filmographie est assez hétéroclite...
J'aime me surprendre. Ne pas m'endormir. Ne pas me répéter. Être toujours en mouvement. Avancer vers le film suivant. Prendre des risques. Je n'ai pas de place à défendre. Je pense que tout ça est éphémère. Je n'ai pas l'obsession de laisser une trace. À la quantité de choses qui sont produites, je pense qu'il y a très peu de choses qui vont rester. Alors je vis le moment présent le plus intensément.
Quels sont des films ou des cinéastes qui ont joué un rôle marquant dans votre cinéphilie?
Ça bouge beaucoup. Ce n'est pas immobile. Il y a des films que j'ai adorés quand j'avais 20 ans, je les revois et je suis un peu déçu. Ça bouge... Je revois les films de Claude Sautet avec beaucoup de plaisir. Je trouve que ç'a vieilli très, très bien. C'est profond, précis. Je trouve que le classicisme est la plus grande des modernités. C'est ce qui vieillit le mieux. Sinon, mon film de chevet est Le voleur de bicyclette. Je ne fais que le raconter et j'ai envie de pleurer. Je n'ai pas besoin de le voir. Pour moi, c'est une histoire parfaite.
Le procès Goldman est présenté à Cinemania aujourd'hui à 18 h 30, au Cinéma Impérial, et le 2 novembre à 15 h, au Cinéma du Musée. Le film prend l'affiche au Québec le 3 novembre.
Making Of est présenté à Cinemania aujourd'hui à 11 h 30, au Cinéma du Musée et le 2 novembre à 17 h 30, à la Cinémathèque québécoise.