Nous avons eu la chance de discuter avec le réalisateur Maxime Giroux et l'acteur François Arnaud en vue de la sortie du film Norbourg, sur la célèbre fraude financière du début des années 2000 au Québec.
Voici 10 choses que nous avons apprises sur le film suite à ces discussions :
- Maxime Giroux explique pourquoi il a voulu réaliser ce film.
« Je lisais le scénario [écrit par Simon Lavoie] et c'était un "page turner". Ça se lisait tellement bien, même si c'était technique. Il y a quelque chose dans le scénario qui faisait en sorte qu'on comprenait malgré tout le mécanisme. Le scénario était tellement cinématographique, même si ça se passait dans des bureaux. L'histoire de quelqu'un qui change son fusil d'épaule était fascinante. Il est enquêteur à la commission des valeurs, décide d'aller chez les bandits, décide de retourner sa veste et de les dénoncer, pour moi, c'est un drame américain. Il y avait aussi le fait que c'était un film qui pouvait vraiment parler au Québec et je voulais faire un film qui parle de ma société, mais pas nécessairement de façon positive. » - Le scénariste Simon Lavoie n'avait pas l'intention de faire d'Éric Asselin la vedette du film au départ.
« Simon a commencé à faire la recherche. Il avait des milliers d'heures de verbatim, d'écrits de la cour, des cahiers de syndic de faillite, et à un moment donné, il s'est demandé : "Mais, c'est qui ce gars-là?" On ne l'a jamais vu dans les médias ni dans les procès. Il se rendait alors compte que c'était plus intéressant de faire le film sur lui que sur Vincent Lacroix, que le monde a l'impression de connaître. L'autre [Éric Asselin], c'est nous finalement. C'est la bonne personne, qui veut faire plus d'argent, qui veut avoir la vie de Vincent Lacroix. Nous tous, on veut faire un peu plus d'argent, on veut avoir une meilleure vie, on regarde l'autre à côté et on est jaloux du gros BBQ du voisin. On le veut aussi notre gros BBQ et si on peut en avoir un gratuit, on ne dira pas que c'est notre beau-frère qui travaille au noir qui nous l'a donné. » - Maxime Giroux n'a pas voulu rencontrer ni Éric Asselin ni Vincent Lacroix avant de faire le film.
« Ce n'est pas intéressant de rencontrer des criminels. Ils vont nous dire quoi? "Je suis une meilleure personne que ça?" Je ne veux pas leur donner la parole à ces gens-là. Leur histoire ne leur appartient plus. Ils ont voulu frauder plus de 9 000 personnes, ça ne t'appartient plus mon gars! Vincent Lacroix a tout dit pour faire moins de prison. De savoir que sa femme était triste, je m'en contre fous! Ce n'est pas le côté humain de Vincent Lacroix que je veux voir, c'est son mécanisme de fraude qui nous intéresse. » - Norbourg emprunte un style qu'on voit peu chez nous, « plus à l'américaine ».
« Je me suis pris au jeu de ça. Faire un cinéma qui était plus à l'américaine, plus dans l'entertainment. De la façon que je vois ça, c'est que ces personnages-là l'étaient aussi. Ils étaient enivrés par l'argent, le succès. Le film, c'est un peu ça. Je ne voulais pas faire un film terne, morne. Ce n'était sûrement pas ça dans les bureaux quand ils transféraient 10 millions $ pour faire le party ou peut-être acheter Chez Paré, ça devait être le party pour vrai! » - Le réalisateur a dû adoucir certains détails de l'histoire.
« À un moment donné, je me suis dit : "on ne va pas trop en mettre parce qu'il faut rester respectueux des victimes. Mais, j'aurais pu en mettre plus que ça; la réalité est bien pire que ce qu'on voit dans le film. Ils achetaient tout, quand ils allaient en Suisse, ils amenaient des danseuses de Chez Paré. On n'a pas voulu rentrer là-dedans parce que ce n'était pas ça le coeur de notre histoire. Le coeur de l'histoire, c'est le mécanisme de la fraude et dire aux victimes : "vous n'avez pas été niaiseux là-dedans. Probablement que votre premier instinct quand vous avez appris que vous vous êtes fait frauder c'est de vous en vouloir, mais il n'y a aucune raison de vous en vouloir. La Caisse de Dépôt s'est fait avoir, Desjardins s'est fait avoir. Vous n'avez jamais rencontré Vincent Lacroix, vous avez juste rencontré votre courtier et votre courtier, il voulait sûrement bien faire..." » - Dans le film, Guy Thauvette incarne un homme qui se fait flouer par Vincent Lacroix. Ce personnage est inspiré d'un cas réel.
« C'est très proche d'une vraie histoire, mais c'est un amalgame pour ne pas dire que c'est une personne en tant que telle. Mais, il y a vraiment quelqu'un qui a investi de l'argent dans Norbourg suite à la mort de sa fille pour sa petite fille. » - Maxime Giroux explique pourquoi il a choisi François Arnaud dans le rôle de Vincent Lacroix.
« Le Vincent Lacroix qui était au sommet de son art, c'est sûr qu'il avait beaucoup de charisme, c'est sûr qu'il pognait parce qu'il avait du pouvoir. Pour être en avant de cette fraude-là, ça prend du charme, il faut que tu sois habile. Moi, je crois qu'il était plus beau qu'on le pense Vincent Lacroix quand il était riche. Il avait les cheveux léchés, bien habillé, bien rasé et il mangeait bien. C'est le charme que je voulais aller chercher. Je me suis aussi dit que c'était un film sur une fraude qu'on faisait, ce n'était pas important qu'il soit pareil ou pas. Brad Pitt, le gars qu'il joue dans Moneyball, il est beaucoup moins beau que Brad Pitt. Les Américains ne se posent pas ces questions-là, c'est normal que les acteurs soient plus charismatiques que les vraies personnes. J'avais envie de faire du cinéma "américain" avec des acteurs charismatiques. - François Arnaud a hésité avant d'accepter le rôle.
« Ma seule hésitation au départ c'était de voir si j'étais capable de me défaire de mes idées préconçues et de mes jugements sur la personne. Mon empathie va évidemment vers les personnes qui ont été flouées et non vers Vincent Lacroix, mais je me disais que, pour arriver à le jouer, je devais extraire mon jugement de la chose. Je pense aussi que Vincent Lacroix c'est un grand égocentrique, ce n'est pas quelqu'un de particulièrement machiavélique. Je ne pense que pas que c'est quelqu'un qui mesure le poids de ses actions sur la vie de ses victimes. Je ne pense pas que c'est quelqu'un qui prend plaisir à faire du mal aux autres, je pense que c'est quelqu'un qui ne pense pas aux autres. » - L'acteur François Arnaud s'est inspiré, notamment, de Jean Charest pour interpréter Vincent Lacroix.
« Il me faisait beaucoup penser à lui dans sa façon de s'exprimer. Et, évidemment, il y a beaucoup plus d'archives accessibles de Jean Charest que de Vincent Lacroix. » - La scène préférée du comédien est celle d'une fête organisée dans les bureaux de Norbourg pour rassurer les conseillers financiers.
« Il a écrit lui-même l'étiquette de la cuvée spéciale de Bordeaux qu'il présente à son équipe et aux invités. C'est une scène qui représente beaucoup le personnage parce qu'il est en train de nourrir son propre mythe. Il y croit. C'est ça qui est intéressant de jouer un menteur, c'est que le travail ce n'est pas tant de convaincre les autres, c'est de se convaincre lui-même. Lui, une fois qu'il est convaincu, il a l'impression de dire la vérité. C'est comme un peu touchant quand même cette scène-là parce qu'il s'émeut lui-même du culte qu'il voue à sa propre personnalité. Il y a quelque chose de complètement narcissique, mais en même temps d'étrangement touchant. »
Le film Norbourg prend l'affiche ce vendredi 22 avril.