Le réalisateur américain Derek Cianfrance travaille à nouveau avec Ryan Gosling pour son nouveau film The Place Beyond the Pines, qui prend l'affiche ce vendredi à travers le Québec. Le deuxième long métrage du réalisateur de Blue Valentine met aussi en vedette Bradley Cooper, Eva Mendes, Dane Dehaan et Emory Cohen dans une fresque épique qui se déroule sur plus de 15 ans.
Nous l'avons rencontré au TIFF, l'automne dernier, alors que son film était toujours à la recherche d'un acheteur.
D'abord, sur sa relation de travail avec Ryan Gosling. « Ryan est un acteur magique. Il rend tout le monde autour de lui meilleur. Il fait de moi un meilleur réalisateur, c'est un magicien. En tant qu'homme, il est l'une des personnes que j'aime le plus dans ma vie. Je travaille avec lui comme je travaille avec les autres acteurs et les techniciens : tout le monde fait le film avec moi. C'est pour ça que je suis cinéaste et pas peintre, parce que j'aime travailler avec les autres. Ils contribuent à faire de moi un meilleur réalisateur. »
Très ambitieux, The Place Beyond the Pines raconte donc l'histoire de deux hommes et de leurs fils à travers plusieurs années. « Je voulais faire un film sur l'héritage, et je voulais raconter l'histoire en trois parties qui ne formeraient qu'un seul film. Avant d'être réalisateur je suis spectateur, donc en tant que réalisateur j'essaie seulement de raconter une histoire que je voudrais voir. Je sentais que je n'avais jamais vu un film comme celui-ci avant. »
Votre film est très distinctement divisé en trois parties, alors que le flambeau passe d'un personnage à un autre... « J'ai toujours été fasciné par Psycho, et par ce revirement... Vous suivez Janet Leigh pendant 45 minutes, et soudainement Tony Perkins arrive et elle va prendre cette douche... Ça m'a renversé. »
« Il y a des armes à feu dans ce film, il y a quelques pistolets, et je hais tellement les armes à feu... On les aborde si légèrement dans les films, il y a des milliers de balles qui volent sans qu'elles n'aient d'impact, jamais, et l'idée était de montrer les vraies conséquences; comment le spectateur peut vivre les véritables conséquences? Si quelqu'un meurt dans la vie, il y a une véritable absence, les morts ne reviennent pas. »
Vous avez travaillé avec Sean Bobbit à la direction-photo. « À l'origine, je devais faire le film avec Andrij Parekh, avec qui j'ai fait Blue Valentine. Nous étions à huit semaines du début du tournage, et Andrij m'a appelé pour me dire qu'il avait fait un rêve dans lequel il mourait pendant le tournage du film, donc qu'il ne pourrait pas le faire. J'étais très attristé, mais je devais trouver un directeur-photo rapidement, et j'ai rencontré Sean alors qu'il tournait Shame. J'avais l'impression que nous parlions le même langage. Je lui ai demandé s'il craignait de mourir en faisant le film et il m'a dit : « J'ai été photographe de guerre pendant 18 ans, alors... ». Je l'ai engagé. »
La scène d'ouverture du film, entre autres, est particulièrement impressionnante. « Sean est un guerrier. Pour la scène d'ouverture du film, on suit Ryan à travers le cirque puis dans le « globe de la mort » où vont les motos; nous avions beaucoup parlé de cette scène « épique », sans cassures, qui était nécessaire dans un film aussi immense, et Sean voulait aller au centre du « globe » avec trois motos virevoltant autour de lui. Alors il s'équipe, met une armure, et tourne cette scène incroyable, cette marche, il va au centre du globe, les motos se mettent à tourner et puis mon image devient statique et j'entends la foule s'exclamer. Je vois Sean sous une pile de motos. « Sean, ça va? ». Il n'était pas blessé mais il était tellement fâché, fâché de ne pas avoir réussi la scène. »
« Nous avons refait la même chose, jusqu'au centre du globe, les motos virevoltent et c'est magnifique et puis l'image devient statique encore, la foule s'exclame encore. On entre et Sean s'est fait frapper par une moto, et cette fois il était vraiment amoché, nous avons dû annuler le tournage ce soir-là. La nuit suivante, nous avons retourné la scène, et il était furieux contre moi de ne pas le laisser retourner au milieu du globe. »
« J'adore regarder ses films. C'est tout. »