The High Cost of Living, le premier long métrage de la réalisatrice d'origine torontoise Deborah Chow, prend l'affiche ce vendredi. Isabelle Blais et l'acteur américain Zach Braff (réalisateur et scénariste de Garden State) incarnent les deux personnages principaux du film, qui raconte l'histoire d'une femme enceinte victime d'un chauffard ivre. Ce dernier va tenter de se rapprocher d'elle sans lui avouer qu'il est le responsable de la mort de l'enfant qu'elle porte.
Quand avez-vous décidé que l'histoire se déroulerait à Montréal? « Dès la première version. J'ai fait mes études ici, et je suis tombée en amour avec la ville. Je vivais à New York quand j'ai commencé le scénario, mais c'était déjà prévu que l'histoire se passe à Montréal. C'est une ville très « cool », la culture et les différences linguistiques, c'est très vibrant, il y a tellement de textures à mettre dans le film. »
Croyez-vous qu'être une femme change beaucoup la manière de travailler? « C'est probablement trop général. Probablement d'une certainement manière dans la façon d'exprimer l'amour, mais pas seulement le fait d'être une femme, mais aussi d'avoir un héritage asiatique, mon âge, mon expérience... c'est notre voix, la personne que nous sommes qui influence vraiment la réalisation. Par exemple, une de mes choses favorites dans ce métier, c'est de travailler avec les acteurs. »
« Dans ce cas-là, je ne sais pas si le fait d'être une femme change quelque chose, c'est plutôt le faire d'être l'auteur. On travaille pendant des années sur un scénario, sur chaque ligne de dialogue, et la seule personne qui se préoccupe honnêtement de ces lignes autant que vous, c'est l'acteur. Ils s'impliquent dans le processus d'écriture et ils apportent tellement au scénario en lui donnant vie. »
Vous avez donc choisi Isabelle Blais. « Elle était mon premier choix, sans aucun doute. » Était-elle enceinte au moment du tournage? « Elle était attachée au projet deux ans avant qu'on amasse l'argent pour le tournage et c'est pendant cette période qu'elle est tombée enceinte! Pendant le tournage, elle avait accouché depuis sept ou huit mois. »
Et Zach Braff? « J'ai été très chanceuse. C'est mon premier film, le budget n'était pas très imposant... je n'espérais pas avoir quelqu'un d'aussi important. Nous lui avons envoyé le scénario et il a aimé. C'est fortuit et j'ai été très chanceuse. »
Son expérience comme réalisateur et scénariste a-t-elle une incidence sur son travail d'acteur? « Pas du tout. Quand je l'ai rencontré la première fois, j'étais un peu nerveuse parce qu'il n'est pas seulement un réalisateur, il est un très bon réalisateur, et ses films ont très bien fait. Il est venu comme acteur et ce qui m'a beaucoup aidé c'est que, justement parce qu'il est aussi réalisateur et scénariste, il a vraiment compris mieux que quiconque ce que j'essayais de faire créativement. Les techniciens viennent travailler et s'occupent de leur tâche, mais Zach a vraiment compris le côté créatif. »
Ce dernier se considère aussi très chanceux d'avoir obtenu le rôle. « Après Scrubs, je voulais essayer quelque chose de différent, et c'était parfait. C'était exactement ce que je voulais faire : vrai, petit, le rôle m'intimidait, c'était un bon signe et Deborah me voulait, alors c'était parfait. »
Vous impliquez-vous comme réalisateur et scénariste également? « Pas quand le scénario est aussi bon. Parfois, je lis un scénario et je me dis qu'il faudrait réécrire certains passages, mais pas cette fois-ci, j'ai trouvé que le scénario était fantastique. J'ai eu des acteurs fabuleux qui m'ont supporté quand j'ai fait mon premier film, je voulais faire la même chose. »
Vous devez rendre attachant un personnage qui commet un grave délit. « C'est un défi. C'est ce qui est cool avec le film, c'est qu'il respecte le public. Les protagonistes ne sont pas toujours faciles à aimer, comme des êtres humains normaux. Dans 99,9% des films, il y a un bon et un méchant et c'est de savoir qui va gagner, mais dans ce film le héros a fait des choses horribles. Peut-on faire que les spectateurs veulent les voir ensemble à la fin du film? »
Vous viviez un dépaysement semblable à celui de votre personnage lorsque vous venez tourner à Montréal. « Chaque fois qu'on peut faire pour vrai quelque chose que le personnage vit, ça aide. Henry est Américain, il ne connaît pas beaucoup de monde, il ne parle pas français. C'était la même chose pour moi. Quand on fait un film, c'est mieux de ne pas être distrait par sa vie réelle, d'aller dans une ville étrangère. »
Même chose avec le personnage d'Isabelle. « Oui! Les gens me demandent si c'était difficile de ne pas connaître Isabelle au départ... non, parce que les personnages ne se connaissent pas non plus. Ils sont des étrangers. »
La principale intéressée confirme qu'il s'agit d'un avantage. « Ça aide. On était réellement des inconnus. On ne se connaissait pas, on ne s'était jamais vus... et c'est ce qui se passe dans le film aussi. »
Henry est un personnage assez enjoué malgré sa culpabilité. « Avec ce qu'il fait, on a toutes les raisons de l'haïr, mais Zach le rend attachant. Il faut le faire, pour quelqu'un qui mène une vie comme ça et qui en arrive là. Lui, il veut vraiment se racheter par tous les moyens, parfois le malaise fait qu'il est un peu clown, un peu maladroit, mais c'est terrible de vivre avec ça. »
La question est de savoir si elle pourra lui pardonner. « J'ai vraiment aimé comment c'était écrit, je trouvais ça habile. Oui, c'est un drame, c'est plein d'émotion avec un petit suspense, tu te demandes comment ça va finir, quand elle va l'apprendre, ce qui va arriver... Ça pose des questions sur le pardon, la rédemption. Ce n'était pas évidemment à faire passer, mais j'y croyais, j'ai embarqué là-dedans. Même moi je me disais : est-ce que ça se peut, pardonnez? »
Le fait d'avoir une femme à la réalisation change-t-il l'ambiance de travail? « C'est peut-être cliché de dire que la sensibilité et l'approche assez subtile du développement de la relation, avec des petites nuances, lentement, c'est ce qui l'a rendu crédible au scénario. Si tout d'à coup elle est trop en amour avec, ça ne marche pas. Peut-être que c'est l'approche d'une femme, je ne sais pas... Ça aurait été différent si ça avait été quelqu'un d'autre, tout simplement. »
« Elle avait un calme à faire peur. Tout le monde court sur le plateau, mais elle restait focusée, calme, rien n'y paraissait. Ça aidait, parce qu'on n'avait pas besoin d'être plus énervés qu'on l'était déjà. »
« C'est étrange de dire ça parce que normalement on n'aime pas ça, mais ce que j'ai beaucoup apprécié c'est que Deborah a été capable de couper des affaires, de réduire des choses. Il y a des répliques qui sont parties, des scènes qui sont plus courtes... c'est rare, et ça servait le film. Parfois, les réalisateurs sont attachés à chaque réplique, chaque scène, surtout pour un premier film. »