Émile Gaudreault, l'homme qui nous a donné De père en flic, le succès de l'été 2009, nous arrive dès mercredi avec sa comédie Le sens de l'humour. Le long métrage, mettant en vedette Louis-José Houde, Benoît Brière et Michel Côté, raconte l'histoire de deux humoristes qui parcourent le Québec avec leur spectacle conjoint et qui sont kidnappés par un tueur en série qui n'apprécie pas les blagues que le duo a fait sur lui pendant l'un de leurs spectacles. En échange de leur survie, les deux hommes proposent un marché au maniaque : ils lui donneront des cours d'humour pour répondre aux agressions verbales de ses collègues et pour séduire la femme qu'il aime en secret.
« Après avoir fait plus de mille shows sur scène avec Le groupe sanguin dans ma jeunesse, je savais que le sujet des humoristes en tournée était un terreau fertile à la comédie. En faisant des séances de brainstorming chez nous tout seul, j'ai fini par déboucher sur le kidnapping, le tueur en série et l'humour comme moyen de défense. Déjà, je voyais le potentiel d'une histoire qui n'a pas encore été développée au Québec, explique le réalisateur. Avec Benoît Pelletier, nous avons rédigé une trentaine de scénarios pour arriver à un résultat qui nous apparaissait parfait. »
L'histoire du long métrage est à prime-à-bord assez noire, sinistre, il était donc important pour le réalisateur que le ton de l'oeuvre soit clair dès le départ. « L'horreur c'est dans le quotidien; le couteau de cuisine, les lieux connus, la nuit sombre, etc, et moi je voulais protéger la comédie à tout prix, c'est pourquoi je voulais que chaque aspect du film ait l'air faux, que le public ressente le conte, l'univers parallèle. Je crois que c'est grâce à ce monde différent que j'ai réussi à éviter le récit noir et difficilement accessible. C'est tellement fragile l'humour. Je savais qu'un seul élément pouvait faire tout chambouler du mauvais côté. »
« Pendant que je m'affairais au montage, je faisais des visionnements devant deux ou trois cent personnes pour savoir si les gens embarqueraient dans cette histoire tordue et les réponses furent très positives, alors j'ai continué dans cette voie sans me poser trop de questions. »
Louis-José Houde et Michel Côté incarnaient les protagonistes de la comédie De père en flic qui est, encore aujourd'hui, le film le plus payant sur le territoire québécois avec des recettes de plus de 10 millions $. D'engager les deux acteurs à nouveau a été tout naturel pour Gaudreault. « Louis-José et Michel sont des virtuoses, des surdoués, alors c'est indéniablement un bonheur de travailler avec eux. » Michel Côté est également tout en hommage pour le réalisateur : « Émile c'est un perfectionniste. Il veut se donner un choix au montage, alors il aime travailler avec des acteurs qui sont capables de faire de la haute voltige, qui sont en mesure de lui donner ce qu'il recherche. On fait énormément de prises, parfois à sa façon, parfois à la nôtre, c'est un très beau travail d'équipe! »
« Émile a tourné 55 heures de stock qu'il devait ramener à une heure quarante à la fin. Le premier bout-à-bout était de trois heures et demie. C'est la preuve que la comédie c'est un travail de précision. »
« On a du fun mais on travaille fort quand même. Par exemple, la scène où je fais le bacon par terre, ça passe vite à l'écran, mais ça représente quatre ou cinq heures de tournage: saute, saute, saute, change de lentille, saute, saute, saute, change de lentille, saute, saute, saute, fais-le inversé. Lorsque tout va bien, on fait une scène environ 25 fois. La scène où je rentre et je sors de la grange, je l'ai fait au moins à cinquante reprises. On s'amuse sur le plateau mais à la fin d'une journée, nous sommes brûlés. »
L'humoriste Louis-José Houde a, lui aussi, grandement apprécié cette nouvelle expérience de plateau malgré le défi que représentait son personnage. « J'ai eu un atelier de jeu pour ce rôle-ci. Ma coach m'a surtout aidé pour les scènes de panique dans la cage et aussi pour le côté très marabout de mon personnage, un peu misanthrope, très anti-social. Un côté qui n'est pas très présent en moi. Le but était de casser mon humeur joyeuse et d'aller dans quelque chose de plus sombre. »
« Le plus grand challenge a été les journées de cabaret, les moments sur scène, puisque je devais désapprendre tout ce que j'ai pris des années à construire. Je me devais d'être froid, désintéressé, même lorsqu'il y avait un public dans la salle, et de jouer ce matériel heavy ne me ressemblait pas du tout, j'étais mal à l'aise. »
Les deux comédiens principaux avaient improvisé à plusieurs reprises dans De père en flic, mais pour Le sens de l'humour, c'est différent. « Ce film-là est dans une zone spécifique, c'est un mélange de genres, il y a quelque chose de très clownesque, très ludique, très coloré, mais aussi d'un peu sombre. Quand on a un scénario comme ça, limité, où on peut tomber rapidement d'un côté ou d'un autre, on a tendance à respecter davantage ce qui est écrit pour ne pas perdre le ton, l'âme de l'histoire. »
L'humoriste dit avoir rapidement connecté avec son nouveau collègue, Benoît Brière. « Qui n'aime pas Benoît? C'est vraiment un homme et un artiste incroyable. » Ce dernier, que nous n'avions pas vu au cinéma depuis La grande séduction, tenait à obtenir ce rôle pour différentes raisons : « Premièrement, j'avais envie de refaire du cinéma, mais étant très pris avec le théâtre, je n'avais jamais la chance de m'engager dans un projet cinématographique. Ensuite, retravailler avec Émile que j'avais rencontré sur Louis 19, et avec Michel, que j'avais marié dans La petite vie, était un souhait très cher pour moi. Et évidemment, d'avoir la chance de jouer avec Louis-José, que j'avais croisé à quelques reprises et que j'avais immédiatement aimé, était un bonus fabuleux. »
« Le sens de l'humour fait partie des trois plateaux les plus importants de ma vie. Il y a eu Cher Olivier, La grande séduction et celui-là. Ça été des tournages qui ont été un grand bonheur du début à la fin. Nous avions même souvent des fous rires incontrôlables. Émile en a d'ailleurs conservé un au montage. Lorsque mon personnage dit à celui de Louis-José : c'est peut-être la dernière journée de ma vie mais j'aurais pas voulu les passer avec quelqu'un d'autre que toi, nous sommes partis à rire et j'ai dit : Tu l'as pas pantoute Luc, j'y crois pas pantoute. Et Émile a décidé de garder cette prise plutôt que celles qui étaient plus sérieuses. »
Benoît Pelletier, qui avait collaboré avec Gaudreault pour le film Idole Instantanée, a cette fois aidé le réalisateur à construire les textes. « Comme j'enseigne à l'École Nationale de l'Humour et que j'écris pour des humoristes depuis une vingtaine d'années, c'était normal pour Émile de me demander d'écrire avec lui. »
« Le film aborde beaucoup de thèmes relatifs à l'humour; pourquoi on fait de l'humour dans la vie? Pour séduire, pour se défendre, pour attaquer, pour éviter la souffrance? Les deux gars utilisent l'humour pour échapper à un malade qui veut les tuer, simplement pour survivre. Tout comme les personnages de Sonia Vachon et d'Evelyne Gélinas qui, à leur manière, surmontent les épreuves grâce à la comédie. »
« On est reconnu mondialement au Québec pour notre humour, alors de faire un film comique sur la comédie était tout naturel. »
Le sens de l'humour prend l'affiche le mercredi 6 juillet prochain.