L'acteur et réalisateur français Albert Dupontel a proposé l'un des films français les plus populaires de 2013 avec 9 mois ferme, qui a réuni plus d'1,8 million de spectateurs lors de sa sortie en octobre dernier dans l'Hexagone. Sandrine Kiberlain y incarne une juge d'instruction célibataire et dédiée à son travail qui découvre un jour avec stupéfaction qu'elle est enceinte, et que le père est sans aucun doute un prisonnier accusé d'un crime sordide, incarné par Dupontel lui-même.
Ce dernier joue, réalise et signe même le scénario du film, un exercice complexe. « Tout ce qui vient par les acteurs, forcément, est très différent, parce que les acteurs c'est très irrationnel. C'est les limites de l'écriture, car si l'acteur n'est pas là, il ne se passe rien. Vous pouvez calculer au plus près ce qui peut se passer, mais vous ne pouvez pas prévoir. Il y a des choses dans le film, quand Sandrine fait ce geste un peu trivial au tribunal, ça a été un vrai succès dans les salles, et franchement on l'a fait à la volée. »
« D'ailleurs, l'aspect comique du film m'a complètement échappé. Il a fallu qu'on attende de montrer le film à des gens qui n'étaient pas prévenus, des gens trouvés sur les réseaux sociaux, ils sont venus et ce jour-là, pour la première fois, le film a eu de la vie. Ils ont réagi et on a découvert le film. Expérience que j'ai multipliée après en allant en province, et j'ai redécouvert le film avec les gens. »
« Je suis toujours à l'affût de tout ce qui peut me permettre de parler des travers de la société. Je n'ai pas d'ambition commerciale délirante, mais je veux voir des choses qui me choquent. Essayer de faire rire les gens, c'est une façon élégante de partager ses émotions. J'ai vu un documentaire de Depardon, Dixième chambre, j'ai vu cette histoire saugrenue où une juge tombe amoureuse d'un jugé. Deux types de personnages, qui pour moi sont tous perdus. »
« Si je veux raconter une histoire, je me dis qu'il faut au moins que je distraie les gens. Je crois que le meilleur moyen de dire ce qui cloche dans la société, c'est de mettre un nez rouge et de faire le clown. »
Votre expérience d'acteur vous aide-t-elle à communiquer sur le plateau? « Le fait d'être acteur, de jouer avec mes acteurs, ça me rapproche beaucoup d'eux, ça c'est sûr. On devient complice, il n'y a pas quelqu'un qui dirige. Ce mot, « diriger », est terrifiant sur un plateau, car il y a donc quelqu'un qui sait et quelqu'un qui ne sait pas, ce qui n'est pas vrai. Avec Sandrine, je me plantais dans mon texte, on avait des fous rires ensemble... il y a une complicité qui se crée. Je suis certain que les acteurs donnent beaucoup plus. »
Y a-t-il des metteurs en scène avec qui vous avez travaillé qui vous inspirent? « Non, si ce n'est par leur sincérité. J'ai adoré bosser avec Gaspar Noé sur Irréversible, parce que j'ai été totalement sincère pendant un mois. Kerven et Delépine dans Le grand soir, c'est des gens totalement sincères, extrêmement sensibles. »
Votre film sort dans plusieurs pays, tout en étant ancré dans la culture judiciaire de la France... Comment croyez-vous qu'il sera reçu? « La justice, tout en ayant des façons différentes de fonctionner, elle est toujours la même. La justice n'a pas besoin de moi pour être ridicule, qu'elle soit française, américaine ou québécoise. Tous les systèmes sont comme ça; le problème des systèmes c'est qu'ils veulent tout uniformiser, définir des règles qui s'adresser à des millions de gens qui sont tous différents. »
9 mois ferme est distribué par Métropole Films.