Alors que le long métrage Gerry, un drame biographique sur le chanteur québécois Gerry Boulet, prend l'affiche aujourd'hui dans 125 salles à travers le Québec, Cinoche.com a rencontré le réalisateur Alain Desrochers et l'acteur Mario Saint-Amand, qui incarne le célèbre chanteur. Nathalie Petrowski signe le scénario du film, qui est distribué par Les Films Christal.
« La première fois que Christian Larouche m'a demandé de faire ce film-là, je ne voulais pas, débute Alain Desrochers. Pour moi, ce n’était pas intéressant. Deuxième fois, deux ans plus tard, il me le demande encore et je dis non. Il y a quatre ans, il me le redemande, et là il s'est fâché. J'ai réfléchi un peu pour me rendre compte que ça allait faire vingt ans que Gerry était décédé, et là j'ai embarqué. »
Une fois à bord, il faut ajuster le projet à ta personnalité. « On a réécrit mille fois, deux semaines avant le tournage, pendant le tournage, sans casse, sans arrêt, tout le temps. Ça n'a jamais arrêté d'évoluer. »
« Un drame biographique c'est pas comme une fiction où tu as une histoire à raconter x, y, z - c'est complexe en maudit. C'est la première fois de ma vie que je faisais ça, ça va prendre du temps avant que je le refasse. C'est très difficile. Je suis content de l'avoir fait, je suis très satisfait de ce qu'on a réussi à faire. »
« Moi je voulais toucher les gens avec un film sur la vie d'un homme; c'est pas un film sur Offenbach, pas un film sur le rock québécois, c'est un film sur la vie d'un homme, Gerry, qui a été le pionnier du vrai rock québécois. »
Quel rapport avez-vous eu avec la réalité? « Il n'y a pas grand chose qui a existé tel que c'est décrit dans le film. Ce n'est pas un documentaire, ça c'est bien important. C'est un drame biographique. Il y a plein de scènes où les dires sont véridiques, mais où ça ne s'est pas du tout déroulé comme ça. Par exemple, dans la réalité, Harel a eu le flash d'un show à l'Oratoire tout seul dans un motel à Rouyn-Noranda. Il fallait qu'on ramène ça à l'histoire de Gerry, dans un party psychédélique sexe, drogue et rock n' roll. Ça c'est cinématographique! »
« Il y a plein d'affaires qu'on a romancées, parce que moi je me devais de faire un récit cinématographique d'un point A à un point B pour que les gens comprennent, sinon on serait partis dans mille directions. Il aurait fallu que je fasse une télésérie de huit heures. »
« Ce n'est pas un film pour la communauté artistique, loin de là. Je n'ai pas fait un film pour les gens frustrés qui vont dire qu'ils ne sont pas dans le film. J'ai fait un film pour les gens qui aiment Gerry. C'est un film pour les gens, les trippeux de Gerry, qui ont connu cette époque-là. Même les jeunes qui ont vu leurs parents écouter du Offenbach vont vouloir voir ce film-là, comment ça s'est passé et comment il était ce flyé-là. »
Un flyé que Mario Saint-Amand a été appelé à incarner. « Mario, c'est un comédien à part entière, riche, qui se donne à 400 milles à l'heure. Il se donne tellement... c'est assez impressionnant. C'est un gars qui est tellement fort, c'est un cadeau pour un réalisateur. »
Il chante aussi lors de quelques scènes... « 85 % c'est la voix de Gerry que tu entends. Mario a fait la voix de Gerry quand il est plus jeune. Quand il chante à son père, c'est la voix de Mario, mais toutes les tounes les plus connues c'est la voix de Gerry. Ni Mario, ni moi on ne voulait dénaturer ça. »
Le principal intéressé poursuite dans la même veine : « On savait les quelques chansons que j'allais avoir à faire, alors je me suis préparé en conséquence. Comme on n'avait pas d'enregistrement des débuts de Cäline de blues ou de Everybody Groovin', il fallait que je les chante. On n'est pas dans l'imitation, on est dans ma voix chantée à moi, alors je suis correct. Même chose avec la chanson de Piaf; on n'a pas d'enregistrement de Gerry qui chante la chanson à sa future blonde, alors je devais la chanter. D'arriver à personnifier Gerry, c'était d'arriver à faire de façon vraisemblable les chansons que j'avais à chanter. »
Vous avez rencontré les véritables membres du groupe et de son entourage afin de mieux cerner le personnage de Gerry. « J'ai écouté les gens qui m'ont témoigné de leur intimité avec Gerry, et j'ai mis ça dans un tiroir d'émotions, et je l'ai refermé. J'en ai une panoplie de ces tiroirs-là à l'intérieur de ce que je suis comme acteur. Il y a un tiroir Françoise, un tiroir Breen Leboeuf, un tiroir Denis Boulet, un tiroir Mario Saint-Amand. À chacune des étapes du film, je m'en sers pour incarner Gerry, parce que je suis allé me nourrir de tout ce qu'il a été. Je n'ai pas tenté de plaire à personne. »
Il y a tellement d'éléments techniques à considérer que le jeu de l'acteur doit parfois être bloqué par des irritants. « Tout ça se met en place. On a travaillé le texte avec les autres acteurs, on construit sur place comme les choses vont se passer. Tout se décide au fur et à mesure. La création c'est ça, on arrive à mettre en place tout ce qui est de l'ordre du cartésien, du calcul, on analyse, le déplacement de la caméra, et le jeu... et une fois que c'est fait, il n'y a plus de calcul de rien, il n'y a que l'émotion qui passe. C'est ça qui compte. »