Ricardo Trogi nous propose cet été 1995, quatrième épisode de sa série de longs métrages autobiographiques avec lequel il revient sur la tumultueuse expérience qu'il a vécue lors de sa participation à l'émission La Course destination monde (rebaptisée simplement ici « La course »), en 1994.
Nous avons eu la chance de nous entretenir avec le cinéaste québécois et le comédien Jean-Carl Boucher (qui conitnue de camper le principal intéressé au grand écran) en marge de la sortie du film dans les cinémas de la Belle Province.
Pour des raisons de logistique, plutôt que de nous offrir un compte-rendu exhaustif de son parcours aux quatre coins du monde, Ricardo Trogi a concentré ses efforts sur son passage tout sauf reposant au Caire, en Égypte.
« Ça aurait pris une série télé de dix épisodes d'une heure [pour raconter son expérience de La Course dans sa totalité, ndlr]. Des films difficiles à faire, j'en ai eu au moins dix avec d'autres personnages autour. Mais celui-là, je trouve qu'il fait la job en masse. Ç'a été un ost* d'enfer au Caire », explique le réalisateur.
Cette approche plus précise et concise venait néanmoins avec certains défis scénaristiques, portant autant sur la manière dont le périple a marqué la suite des choses pour Trogi que sur les leçons que tout aspirant artiste devrait tirer de telles difficultés, qui peuvent évidemment se manifester de mille et une façons.
« J'ai pris le film le plus compliqué à faire. Ça ne finit pas que j'ai une bonne note et mon Dieu que je suis content de faire ça dans la vie. Ça finit que je me fais ramasser, et ça donne un bon avertissement par rapport à ce qui s'en vient. Je me fais ramasser, je suis découragé, et je continue. C'est important, c'est ce que tu dois faire constamment dans ce milieu-là. Sans te faire ramasser tout le temps, tu ne feras pas l'unanimité, tu vas souvent entendre des affaires sur toi qui n'ont pas d'allure », soutient Ricardo Trogi.
« C'est quand même important aussi, la question que tu poses dans le film, à savoir si tu te considères comme un artiste ou pas. C'était le premier mur que tu frappais par rapport à ta vision des choses, au fait que tu n'aies pas réussi à communiquer ton idée de la bonne façon. C'est là que tu te poses encore plus de questions », enchérit Jean-Carl Boucher.
Tapis rouge du film 1995 - Patrick Lamarche / Cinoche.com
Un aspect du film qui risque de faire énormément jaser, c'est la fameuse séquence des douanes qui, pour des raisons autant comiques que dramatiques, nous fait passer de très longues minutes au coeur de la bureaucratie égyptienne. De l'aveu du réalisateur, tout ce segment représentait un véritable casse-tête, car la réalité était encore plus complexe, frustrante et éreintante.
« J'ai rencontré 34 personnes. C'est tout noté, parce que j'ai passé trois jours aux douanes [...] Ce sont des notes que j'ai ressorties quand j'ai écrit le scénario. Dans une version, j'ai écrit pratiquement tout ce qui m'était arrivé, et c'était juste trop long, ça ne fonctionnait pas. J'étais en train de faire un film juste là-dessus. Ce passage est à son plus court et son plus efficace en ce moment, mais ça aurait pu être beaucoup plus long », confie-t-il.
Évidemment, 1995 s'inscrit dans un genre cinématographique abondamment exploité dans le cinéma québécois, mais sur lequel le milieu culturel a encore tendance à lever le nez aux yeux du duo, et ce, même si la comédie demeure un genre beaucoup plus difficile à exécuter que le drame.
« La comédie, c'est vraiment difficile. N'importe quel acteur va te dire que c'est beaucoup plus difficile de réussir à faire rire que de faire une scène dramatique. Ce sont des codes beaucoup plus simples à quelque part », avance Jean-Carl Boucher.
« Des acteurs qui sont capables de faire de la comédie, il y en a beaucoup moins que des acteurs qui peuvent faire juste du dramatique. Inversement, beaucoup d'acteurs comiques sont capables de faire du dramatique », poursuit Ricardo Trogi.
Mais l'important, au final, pour Ricardo Trogi, c'est que le public réponde tout simplement présent.
« La grosse compensation, c'est que le monde regarde ce que tu fais, et ça veut dire quelque chose. Les gens savent ce que tu as fait, ils ont vu ton film. Ce n'est pas le fun faire un film et avoir 1200 personnes qui l'ont vu. Même si tu me dis : ''J'ai fait ce que je voulais'', tu as peut-être fait ce que tu voulais, mais pas ce qu'il fallait », soutient le réalisateur.
« C'est pour ça que c'est quand même différent comme médium, comparativement à un art comme la peinture que tu fais en solo. Le but du cinéma, c'est d'avoir une salle remplie dans laquelle tout le monde réagit en même temps à quelque chose », conclut Jean-Carl Boucher.
1995 est présentement à l'affiche partout au Québec.