S'il y a une histoire qui méritait d'être contée, c'est bien celle de Dalton Trumbo, ce populaire scénariste américain qui a été mis sur la liste noire pour ses convictions politiques : il était communiste. Cela ne l'a pas empêché d'écrire pendant son exil et même de remporter deux Oscars.
Il est personnifié avec finesse et énergie par Bryan Cranston qui semble encore sous l'influence de la série télévisée Breaking Bad. Sa performance est terriblement sentie et elle demeure la plus belle chose de ce long métrage. En fait, ce sont les comédiens qui accaparent les morceaux les plus digestes de ce plat de résistance. Diane Lane est l'épouse compréhensive qui sait le remettre à sa place, Elle Fanning sa fille qui le confronte constamment, Louis C.K. l'ami attachant, John Goodman nage comme un poisson dans l'eau en producteur de séries Z... Et lorsque les personnages manquent de profondeur, ils sont sauvés par leurs interprètes. Helen Mirren en fait des tonnes dans le rôle d'une chroniqueuse stéréotypée et elle se fera rapidement remarquer. Tout comme David James Elliott en John Wayne bien qu'il ne ressemble nullement à son modèle (et qui apparaît beaucoup plus sage que le principal intéressé, question de ne pas nuire à son aura) et Michael Stuhlbarg qui s'approprie parfaitement le mythique acteur Edward G. Robinson qui finira par trahir son entourage.
Beaucoup plus discutable est le scénario de John McNamara qui est basé sur le livre Dalton Trumbo de l'auteur Bruce Cook et qui ressemble à une fiche Wikipédia où défilent les faits les plus importants du héros. Il y a eu son séjour en prison, la mort d'un camarade (bien sûr, on le voyait tousser depuis un bon moment déjà), sa participation à l'exquis Roman Holiday, l'apport important de Kirk Douglas et tous les liens qui peuvent exister avec Spartacus, l'apparition irrésistible du cinéaste Otto Preminger, etc. Comme biopic, il n'y a rien de plus classique.
Au lieu d'insister sur la part d'ombre de son personnage principal et de ses multiples contradictions, ce portrait s'avère clair, limpide et surtout simpliste, avec un discours final qui ne fait pas dans la dentelle. Pourquoi ne pas avoir coupé dans l'aspect familial et mélodramatique qui aurait permis de maximiser la réflexion sur la chasse aux sorcières des années 50? Sans passer totalement à côté de son sujet, Trumbo n'a rien de comparable avec le documentaire éponyme de 2007 de Peter Askin et les plus aboutis Good Night, and Good Luck de George Clooney et Guilty by Suspicion qui mettait en vedette Robert De Niro.
Il pourrait paraître surprenant que la réalisation ait été confiée à Jay Roach, qui s'est fait connaître grâce aux séries Austin Powers et Meet the Parents. Mais il s'est recyclé depuis quelques années dans des registres plus politisés avec les très solides Recount et Game Change qui portait sur Sarah Palin (et le plus oubliable The Brink). Sauf que ces trois longs métrages ont été produits pour HBO et Trumbo ressemble tout au plus à un téléfilm gonflé pour le cinéma. La recréation d'époque n'est pas mauvaise et les choix musicaux s'avèrent plus qu'acceptables, ce qui ne l'empêche pas d'avoir davantage sa place au petit écran.
Ce serait peut-être injuste de se livrer ainsi à un procès d'intention. Trumbo n'a aucune autre ambition que de divertir en parlant de liberté d'expression et en faisant découvrir un scénariste émérite. Ses modestes efforts sont souvent récompensés et si l'ouvrage tend à être plus comique que sérieux, il est porté par le jeu haut en couleur de Bryan Cranston qui fait oublier la plupart de ses défauts. Le vrai Trumbo n'aurait probablement jamais écrit ce film qui demeure l'ébauche d'un meilleur film, mais simplement d'en parler avec une certaine intelligence et absurdité relève de la nécessité.