Encore une fois cette année, Star Wars est LE film le plus attendu. Mais contrairement à The Force Awakens qui a déçu plusieurs personnes en 2015 en étant seulement un remake du long métrage original de 1977, Rogue One s'inscrit en dehors des épisodes réguliers, développant une histoire isolée et indépendante qui se suffit à elle-même. Un « spin-off » qui explique comment la princesse Leia a mis la main sur les plans de l'Étoile noire au début de A New Hope.
S'éloignant du traditionnel opéra de l'espace, le réalisateur Gareth Edwards (Godzilla) et le scénariste Chris Weitz (The Golden Compass) ont pris le pari d'offrir un véritable film de guerre. L'union fait ici la force et entre les stratégies sur le terrain et les sacrifices de circonstance, l'offrande est plus brute, violente et réaliste que ses prédécesseurs. Avec un budget considérable, des effets spéciaux à la fine pointe de la technologie et une expertise de tous les instants, il s'agit d'une production parfaitement huilée.
Rogue One ne possède cependant ni l'âme ni la magie de ce qui fait l'ADN des vrais Star Wars. Les personnages sont d'ailleurs incroyablement plats et totalement inintéressants. L'héroïne forte défendue par Felicity Jones (qui est plus à l'aise que dans Inferno) est complètement unidimensionnelle et elle forme une bien piètre chimie avec Diego Luna (Y tu mama tambian). Et ce n'est pas en multipliant les ellipses vers le passé avec mélodie triste à l'appui façon d'Arrival qu'on va être ému des liens qui unissent la protagoniste à son père qui est campé avec vigueur par Mads Mikkelsen. Qu'il se trouve devant des gentils (comme Donnie Yen en sorte de Zatoichi moderne) ou des méchants (tel le fade Ben Mendelsohn, pourtant extraordinaire dans Mississippi Grind), le spectateur ne s'attache à personne et leur mort - si c'est le cas - se déroule dans la parfaite indifférence. Quelle chance qu'il y ait le robot K-2S0 (c'est Chewbacca qui parle comme C3P0, mais dans le corps d'un robot plagié sur celui du Château dans le ciel de Miyazaki) pour faire réagir!
Sa présence n'est cependant pas fortuite et elle rappelle les rumeurs des derniers mois: que Disney a embauché Tony Gilroy (des Bourne) pour réécrire une bonne partie du scénario, retourner de nouvelles scènes, changer la fin et rendre le tout plus accessible au commun des mortels. Cela expliquerait pourquoi ce robot attendrissant fait continuellement des farces et qu'il s'adresse principalement aux enfants. Le casting aussi international que le récent remake des Magnificent Seven respecte l'idée que cette franchise se doit d'être inclusive et il y a des morales à la tonne (pauvre Forest Whitaker qui se ridiculise). Combien de fois y parlera-t-on d'espoir et de la nécessité de former une équipe? Les liens politisés qui étaient si intéressants dans Revenge of the Sith sont ici réduits à leur plus simple expression, remplacés par une horde de combats et d'affrontements à rendre jaloux Michael Bay. De quoi amplement dépasser le point de saturation. Entre changer constamment de planètes, aller du point A au point B et ensuite au point C, le récit assez rudimentaire se veut plutôt linéaire.
Il y avait pourtant tant à dire et à faire dans ce nouvel univers riche de possibilités infinies. Peut-être que la vision première du cinéaste était plus sombre et qu'elle allait plus loin, notamment dans le développement de la psychologie des personnages ou des scènes guerrières. On ne le saura jamais. En attendant, place à un Rogue One divertissant quoiqu'aseptisé, que l'on ne voudra pas nécessairement revisiter. C'était peut-être ça le plan en fin de compte; se débarrasser des héros traditionnels, de la touche unique du compositeur John Williams et même du mythique générique pour marquer la séparation, offrir une chose qui a l'odeur de Star Wars, mais qui ne possède pas son goût et encore moins ses effets salvateurs. Question de renflouer la caisse chaque année paire - du moins jusqu'en 2020 - avec ce phénomène de société. Il y aura bientôt un dérivé sur Han Solo, Boba Fett et qui sait ce qui peut arriver par la suite. Tout est possible, même un retour de Jar Jar Binks. Sauf qu'à force d'épuiser le filon à la vitesse grand V, cela risque seulement de briser à jamais l'aura de la série.