Le cinéma n'est bien souvent question que d'ambiance et d'atmosphère. C'est ce qui forge les meilleurs thrillers et les plus angoissants films d'horreur. En jouant avec le stress du spectateur, on parvient à le faire sursauter à rien. Glacer le dos, faire dresser le poil des bras et s'arranger pour que le coeur batte plus rapidement semblent être à la portée de tous, ce qui n'est évidemment pas le cas.
À son second long métrage seulement, après son très réussi Augustine, Alice Winocour (qui a également coscénarisée le magnifique Mustang) semble déjà avoir tout compris. Maryland est porté par une maîtrise technique indéniable qui ne laisse aucun sens au repos. La musique exquise est au service d'un jeu constant sur le son, qui arrive à la fois à recréer les tourments intérieurs du protagoniste qu'à créer une zone de conflit à l'action. Cette tension se gonfle et se relâche allègrement, rendant l'effort particulièrement oppressant. Surtout que ses images grisâtres et glacées évoluent généralement dans le noir, obligeant sans cesse le cinéphile à réévaluer ce qui se déroule sous ses yeux.
Déjà que le héros (Matthias Schoenaerts) n'a peut-être pas toute sa tête. Militaire qui souffre de stress post-traumatique, il s'est recyclé comme gardien de sécurité auprès de l'épouse (Diane Kruger) et du jeune fils d'un riche homme d'affaires. Tout ce qui va lui arriver est vrai ou le simple fruit de son imagination? Et si à la réalité venaient se greffer ses peurs, ses fantasmes et ses hallucinations? Un questionnement perpétuel, dont la troublante dernière scène ne vient que semer un doute supplémentaire.
Ce thriller mental s'avère extrêmement efficace à défaut d'être original ou même vraisemblable. Il est aisé de remettre en question certains comportements et le placement de produits peut faire soupirer. Le scénario n'a que faire des sous-entendus politiques et il évite toute psychologie. L'essence cinématographique semble plus intéresser la cinéaste, qui offre ici une variation sur le Drive de Nicolas Winding Refn, autant au niveau du style que des mélodies, des ralentis que des personnages.
Matthias Schoenaerts a d'ailleurs un côté Ryan Gosling dans sa démarche racée. L'acteur sait mieux que quiconque comment interpréter l'homme brisé, sensible et animal et il livre une nouvelle performance magnétique, confirmant les espoirs fondés en lui dans Bullhead et De rouille et d'os et mal exploités par la suite. Cette figure imposante est pratiquement de tous les plans, renvoyant les autres comédiens à de simples faire-valoir, réduisant l'impact de Diane Kruger et empêchant du coup ce parfum érotique de s'étendre complètement.
Maryland détonne dans le paysage francophone avec ses nombreuses ruptures de ton, passant du brillant suspense suggestif à l'action violente façon Die Hard en quelques secondes à peine. Un retournement de situation digne de Jacques Audiard qui n'est pas toujours au point même si Alice Winocour s'en sort plutôt bien dans le film de genre. Aurait-on la Kathryn Bigelow française? Qui sait. En attendant, la réalisatrice offre une oeuvre techniquement impressionnante qui fait beaucoup pour compenser sa relative vacuité.