La nostalgie peut fausser le jugement. Pourquoi est-ce que les dessins animés des années 80 sur les Transformers, G.I. Joe et autres Teenage Mutant Ninja Turtles étaient si amusants à regarder alors que les films qui en sont tirés s'avèrent si mauvais? Quelque chose s'est perdu avec les années? À moins que ça soit seulement le public qui a mûri? Même avec le recul, les trois aventures cinématographiques des années 90 des Tortues ninja n'étaient pas si catastrophiques. Bien sûr, il fallait avoir un faible pour l'infâme Vanilla Ice et on parle davantage de plaisirs coupables. Sauf qu'il y avait un charme certain à voir ces sympathiques reptiles prendre vie grâce aux costumes de Jim Henson.
Sans doute que les attentes étaient trop élevées et les points de comparaisons trop nombreux. La renaissance des TMNT s'est fait vilipender par la critique en 2014 tout en recevant son lot de prix Razzies. Cela ne l'a tout de même pas empêché d'empocher près d'un demi-milliard de dollars aux guichets. Pas mal pour une infopub douteuse et laborieuse qui rappelait que des effets spéciaux ne sont pas dotés de personnalité et que le résultat n'avait rien à voir avec les héros de l'enfance de plusieurs spectateurs et encore moins avec la bande dessinée qui l'a inspirée.
Tout cela est maintenant chose du passé. Les souvenirs de chacun sont enfermés dans une boîte et on n'y recourra pas afin d'évaluer "objectivement" cette suite. Alors, comment se présente Teenage Mutant Ninja Turtles: Out of the Shadows? Il est un peu moins laid que son prédécesseur, même si les héros ressemblent toujours à des Aliens obèses et que le look du rat Splinter - on peut également rajouter ici Bebop et Rocksteady - est une des pires inventions de la décennie. Les scènes d'action sont également plus digestes, bien qu'elles soient beaucoup trop envahissantes et même assommantes lors de cette conclusion qui ne semble jamais vouloir se terminer.
Pour le reste, il est impossible de parler d'un bon film ou même d'un divertissement digeste. Les enjeux sont souvent inintelligibles (combien d'animaux géants peut-on cacher dans un avion sans que personne ne s'en rende compte?) et le scénario semble avoir été gribouillé par un enfant de trois ans. Le méchant Shredder s'est échappé, il veut ouvrir un portail vers l'autre monde et les quatre tortues adolescentes vont l'en empêcher une micro seconde avant qu'il ne soit trop tard. Les héros n'ont aucun charisme (Megan Fox doit bien camper la pire journaliste que le septième art ait connue) et les nouveaux personnages ne sont pas très intéressants. Hormis Stephen Amell qui s'amuse dans la peau d'un Casey Jones, plus adepte de hockey que jamais, les autres comédiens livrent le minimum requis. Tyler Perry se perd dans ses mimiques d'usage (il n'y a que David Fincher qui est capable de le diriger correctement?) et Laura Linney sabote une carrière qui était jusque-là irréprochable.
On avait pourtant cru que le jeune cinéaste Dave Green pouvait redresser la barre. Son travail sur le fort valable Earth to Echo laissait croire le meilleur. Sans doute qu'il n'avait pas de latitude dans cette immense création tapageuse qui aurait pu être menée à terme par n'importe quel tâcheron. Cela peut expliquer une mise en scène relâchée et sans grande tension, ainsi qu'un humour qui vole au ras des pâquerettes et une cascade de morales collantes (sur la famille et l'esprit d'équipe, notamment) dès que Splinter ouvre la bouche. Le studio Paramount et le producteur Michael Bay ont eu le dernier mot pour offrir un plat prédigéré et on imagine déjà leur désir de croiser l'univers des Tortues ninja avec celui des Transformers (il y en a pratiquement un à la fin) afin de faire compétition à Disney (les Avengers) et Warner (Batman v Superman).
À peine moins atroce que le navet qui l'a précédé, Teenage Mutant Ninja Turtles: Out of the Shadows reproduit une formule qui lui a permis de remporter plein d'argent et le long métrage ne s'adresse à personne d'autre que les fans qui sont déjà conquis depuis des lustres. Les autres souffriront devant un tel manque de créativité et d'audace en croyant encore qu'un bon film peut être fait sur des tortues qui mangent de la pizza.