Dans leur chef-d'oeuvre Fargo, les frères Coen faisaient croire aux cinéphiles que ce récit incroyable s'inspirait d'une histoire vraie. La vérité était toute autre, ce qui n'enlevait rien à cette immense farce brillante. Au sein de Masterminds, on apprend seulement au générique final après d'invraisemblables détours que le scénario a repris les grandes lignes d'un fait divers authentique. Au lieu de décupler les effets, cette révélation atténue l'impression déjà peu reluisante de la production, qui aurait pu aller encore plus loin dans sa satire.
L'ensemble prometteur concerne un pauvre type (Zach Galifianakis) qui est poussé à voler plusieurs millions de dollars par amour pour une jolie fille (Kristen Wiig), alors que son complice (Owen Wilson) n'a pas l'intention de partager avec l'auteur de ce crime audacieux qui s'est réfugié au Mexique. Lorsque des policiers et un inquiétant tueur à gages se joignent à la danse, les problèmes ne font que commencer.
Il y aurait une oeuvre subversive à faire avec ce matériel riche et incisif. À condition de s'appeler David O. Russell ou Adam McKay. Dans les mains de Jared Hess et de ses trois scénaristes, c'est peine perdue. Le créateur du désopilant Napoleon Dynamite n'a rien réalisé de reluisant depuis Nacho Libre en 2006 (mieux vaut ne plus repenser aux échecs de Gentleman Broncos et Don Verdean) et sa descente aux enfers se poursuit. Son nouveau projet multiplie les calembours primaires de type pipi-caca-pet sans aucun discernement, se perdant au sein de situations attendues et de gags de qualité très variable. Mis ensemble, les meilleurs instants pourront tout au plus remplir deux ou trois sketchs de Saturday Night Live. Cela comprend évidemment les traditionnelles séquences ratées à la toute fin.
La distribution survoltée semble contrainte par cette fadeur généralisée qui s'offre à elle. Zach Galifianakis se pense toujours dans The Hangover alors qu'il est capable de beaucoup mieux (It's Kind of a Funny Story en est l'exemple criant), Kristen Wiig multiplie les mimiques qui tournent à vide et Owen Wilson compte littéralement le temps en attendant de retrouver son heure de gloire sous la caméra de Wes Anderson. Kate McKinnon en mariée éconduite et Leslie Jones en flic sont les rares exceptions salvatrices. Ça, on le savait déjà depuis la nouvelle version de Ghostbusters. Sauf que ce sont des rôles très secondaires qui n'ont aucune influence en fin de compte. Le meilleur moment du long métrage se trouve à mi-chemin, lorsqu'un tueur est embauché pour liquider notre héros. Ce malfrat est incarné par Jason Sudeikis qui éclipse quiconque se trouve dans la même scène que lui. Tel le meilleur des vins, l'acteur s'améliore au fil des années et qu'on lui demande de jouer dans un registre comique (Horrible Bosses) ou dramatique (Race), il sera toujours le premier à se défoncer à la tâche.
Ce n'est pas un hasard que Masterminds croupit sur les tablettes depuis plus d'une année. Malgré son casting étincelant et un sujet au potentiel certain, rien ne fonctionne comme prévu et le rire authentique est trop parsemé au sein de ces blagues particulièrement inégales et mal agencées. Alors que le film de vols a longtemps été pris au sérieux (notamment chez Jules Dassin, Jean-Pierre Melville et Michael Mann), il est devenu un prétexte humoristique fort valable sur des titres comme Ocean's Eleven (un simple remake à la base), Ant-Man et le premier épisode de Now You See Me. Il faut cependant un savoir-faire pour rendre le tout agréable et divertissant. Lorsque ce n'est pas le cas, on obtient un objet sans grand relief comme Tower Heist et maintenant Masterminds.