Tom Hardy est un excellent acteur, un des meilleurs de sa génération. Depuis sa prestation éblouissante dans Bronson, il semble être capable de tout faire, jouant à la fois les méchants terrifiants (The Dark Knight Rises) et les héros solitaires (Mad Max: Fury Road).
Après avoir mis sa voix au service du très intéressant huis clos indépendant Locke, il se dédouble littéralement dans Legend où il incarne le psychopathe Ronnie et l'à peine moins enragé Reggie, deux frères jumeaux gangsters qui ont donné des cauchemars aux Londoniens des années 60. Le comédien apparaît ici en très grande forme, utilisant ses poings pour se faire respecter entre deux grognements. L'interprète a la réputation de mâcher ses mots et il confirme que le cinéma est d'abord et avant tout une question d'image et de prestance, se servant de son charisme d'enfer pour mettre tout le monde dans sa poche. Sans lui, ce film n'existerait probablement pas...
... et on peut malgré tout se demander la pertinence de sa création. Cette histoire vraie a déjà donné naissance à un long métrage largement supérieur au début des années 90. The Krays de Peter Medak était une oeuvre oppressante et expressive, d'un grand pouvoir d'évocation. Tout le contraire de ce nouvel effort qui est basé sur le livre The Profession of Violence de John Pearson et qui semble sans cesse se chercher. Pourquoi ces frangins sont devenus des légendes? Qu'est-ce qui animait leur relation d'amour et de haine? D'où provient leur influence qui semble sans limites? Des questions demeurées sans réponse tant le récit incroyablement long et répétitif est dénué de complexité.
C'est d'autant plus dommage que son scénariste Brian Helgeland a souvent eu la main heureuse avec des sagas nettement plus compliquées, comme les sublimes Mystic River et L.A. Confidential où il a remporté un Oscar bien mérité. En tant que cinéaste, l'homme n'a jamais rien cassé (Payback, A Knight's Tale, The Order) et suite à son satisfaisant 42, il revient avec un biopic encore plus appuyé et mécanique, à la trame sonore plaquée, à la recréation d'époque soignée et à la réalisation inutilement stylisée. On sent son désir à vouloir mélanger drame, ironie, romance, comédie et l'amalgame ne prend que rarement.
L'ensemble rappelle surtout un ersatz des classiques de Martin Scorsese avec cette voix hors champ beaucoup trop explicative, cette violence intrinsèque qui n'arrive pas à recréer un quelconque sentiment de décadence et ce parcours d'hommes qui se brûlent les ailes en volant trop haut. Ronnie est Joe Pesci et sa cruauté sans réserve, Reggie Robert De Niro dans sa vulnérabilité touchante et il y a même Taron Egerton (découvert dans Kingsman) qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Leonardo DiCaprio. La distribution exceptionnelle - Emily Browning, Christopher Eccleston, Paul Bettany, David Thewlis - comporte évidemment Chazz Palminteri (Bullets Over Broadway) qui a certainement joué les mafieux plus souvent que personne d'autre dans les 30 dernières années.
Deux fois plus de Tom Hardy n'équivaut pas à un film deux fois meilleur. Seulement à un acteur qui se défonce davantage à la tâche pour faire oublier la médiocrité du scénario. Divertissant dans son premier quart d'heure, Legend n'en apparaît pas moins futile et interminable, sabotant la moindre de ses occasions de donner de l'épaisseur à ses situations et à ses personnages. Voilà un film qui porte bien mal son titre.