On oublie trop souvent que Marc Messier est un excellent comédien. Un peu comme Thierry Lhermitte, on l'associe éternellement à ses légendaires prestations comiques - notamment dans Broue, La petite vie, Les voisins et Les boys - alors qu'il possède le talent nécessaire pour se faire valoir lorsqu'il est question de drames et de gravité. Dommage que personne depuis André Forcier dans la première moitié des années 90 ne lui ait offert un rôle de qualité au cinéma. Cela commence enfin à changer avec Le pacte des anges.
Au sein de cette modeste production gorgée de paysages magnifiques, il incarne un homme usé par la vie. Divorcé et toujours endeuillé par la mort de son fils adolescent, il abuse de la boisson pour ne plus repenser au passé. Voilà un beau personnage, profond et sincère, en quête d'une seconde chance, qui est campé par un acteur en pleine possession de ses moyens. Devant ce grand défi, l'interprète élève son jeu et il offre une partition nuancée, drôle et émouvante à la fois.
Comme c'est trop souvent le cas (souvenons-nous l'année dernière du brillant Normand d'Amour dans le très ordinaire Garagiste), le film n'est pas à la hauteur de sa performance. Il n'y a pourtant rien à redire de la première scène qui est une des plus réussies. Le héros chasse une bête et il se réveille avant de l'avoir tuée. Un songe qui reviendra périodiquement au cours du récit, mais jamais totalement de la même façon.
À partir de cette intrigante introduction, le long métrage débute lentement mais sûrement avant de cogner un premier mur. C'est là que le protagoniste se fait enlever par deux frères (Émile Schneider et Lenni-Kim Lalande) qui viennent de se mettre sérieusement dans le pétrin. Le trio est en cavale, le road-movie peut enfin débuter et plus l'aventure progresse, plus les retournements de situations commodes et les invraisemblances abondent. Jusqu'à une conclusion beaucoup trop appuyée qui n'atteint pas l'objectif.
Ce qui fait encore défaut ici est le scénario avec ses nombreux problèmes d'écriture. Pour sa première fiction, le cinéaste Richard Angers s'en sort très bien techniquement, dans les silences et les non-dits, mais beaucoup moins lorsqu'il doit recourir aux mots. Les dialogues sont souvent plaqués, à la fois peu réalistes (« Calme-toi le frère », « On veut pas devenir des sans-abri, tsé ») et moralisateurs («La vie, ça fait ça des fois, ça sépare le monde », « Faut que tu apprennes à faire confiance au monde »). Ce n'est pas la fin du monde pour Messier qui est expérimenté, sauf que cela enlève beaucoup de crédibilité aux plus jeunes. Lenni-Kim Lalande semble parfois perdu et Émile Schneider n'est pas aussi à l'aise que dans Embrasse-moi comme tu m'aimes et Là où Atilla passe.
L'ensemble s'avère également trop chargé. La musique de belle tenue, mais beaucoup trop abondante, empêche l'ouvrage de respirer et les métaphores surviennent toutes les deux minutes. Entre ces rêves trop explicatifs, ce brouillard qui enlève les repères aux personnages et ces biscuits amochés qui demeurent pourtant très bons (eh oui, comme les trois protagonistes), le spectateur croule sous les symboles primaires et élémentaires. Surtout que les thèmes exploités - la relation avec le père et la nature, l'importance de la transmission, les rédemptions qui ne sont pas évidentes et qui nécessitent parfois un sacrifice - sont pratiquement les mêmes que dans 95 % des créations de la Belle Province des dernières années. Tout n'est évidemment pas à jeter, il y a quelques moments touchants au coin du feu et une chanson vibrante de Richard Desjardins qui laisse son lot de frissons. Ce n'est cependant pas toujours suffisant.
Ressemblant à plein d'efforts sans être totalement convaincant, Le pacte des anges est surtout l'occasion d'enfin voir le très bon Marc Messier hors de sa zone de confort. C'est de lui qu'on va se rappeler et pas du film qui est beaucoup plus quelconque. En espérant que ça donne des idées à d'autres réalisateurs de l'utiliser en faisant abstraction de son traditionnel registre comique.