À une époque où les effets spéciaux ont remplacé les stars hollywoodiennes, il est rafraîchissant de voir qu'une production américaine qui vise un large public soit entièrement tributaire de ses comédiens. Mais combien de fois a-t-on dit qu'un acteur est meilleur que le film? Trop souvent. Un adage qui se répète avec Southpaw.
Le long métrage a comme principal - unique? - intérêt la prestation de Jake Gyllenhaal. Dans la peau d'un boxeur champion qui perd presque tout pour mieux renaître de ses cendres par la suite, le trentenaire possède le physique de l'emploi et il ne s'en laisse jamais imposer. Une prestation bouillante et énergique pleine de sueur, de tatous et de sang versé, à cent lieues de celle de Prince of Persia. Cette métamorphose pourrait paraître calculée pour remporter un Oscar et elle ne rivalise en rien avec celle de son précédent et stupéfiant Nightcrawler. Sauf que si cela a fonctionné pour Christian Bale pour The Fighter, pourquoi pas lui?
Aussi grande soit la performance d'un interprète, elle ne peut sauver à elle seule un film et Southpaw ne fait pas exception. D'abord imaginé pour être transporté par le rappeur Eminem dans une sorte de suite à 8 Mile, le récit utilise la boxe comme métaphore des combats à mener pour vivre et se relever. Une rédemption qui recourt à tous les clichés possibles et inimaginables, de la recréation d'une santé physique et psychologique (Rocky) à l'amélioration du lien parental (The Wrestler). Le tout est passé au rouleau compresseur du mélodrame qui abuse des ralentis, des scènes supposément chocs qui ratent leur cible et de la musique collante du regretté James Horner.
Warrior, qui est sorti il y a quelques années, cumulait déjà ces défauts et il arrivait pourtant à divertir grâce à sa réalisation vigoureuse. Ce n'est pas le cas ici. Antoine Fuqua se trouve derrière la caméra et sa filmographie très inégale cumule plus d'échecs (The Equalizer, Olympus Has Fallen, King Arthur et la liste est encore longue) que de réussites (Training Day, Brooklyn's Finest). Personne ne lui demandait de se transformer en Martin Scorsese (Raging Bull), en Michael Mann (Ali) ou en Robert Wise (The Set-Up), mais simplement d'offrir une mise en scène adéquate et haletante. Une mission impossible tant son effort manque de passion et ses scènes de boxe de vigueur.
Ressemblant parfois à un remake à peine voilé du truculent My Name is Joe de Ken Loach sur la colère d'un homme-enfant qui apprend à devenir adulte au contact d'un mentor (qui est incarné par Forest Whitaker, le personnage le plus drôle et le plus intéressant dont chaque parole a toutefois comme objectif de véhiculer un message), Southpaw n'apporte aucune idée nouvelle à une trame narrative qui est aussi surprenante qu'un livre de Danielle Steel et qui ne vaut pratiquement que pour le jeu impressionnant de Jake Gyllenhaal. On retiendra à fin de rigolade que le protagoniste se nomme Hope (Espoir, quelle subtilité!) et que 50 Cent qui vient d'annoncer sa faillite dévoile au héros qu'il n'a plus d'argent! Des références bien méta qui n'améliorent en rien la qualité de cet objet cinématographique.