La vie après The Artist n'est pas tendre pour Jean Dujardin. Entre des apparitions éclairs dans des films américains (The Wolf of Wall Street, The Monuments Men) et l'horrible navet à sketches Les infidèles, l'acteur français semble avoir saboté son élan qui en aurait fait une énorme star. Rien ne dit que le polar La French renversera la vapeur.
Ce nouveau long métrage est un peu l'envers de la médaille de l'illustre et excellent The French Connection qui a pris l'affiche au début des années 70. La filière marseillaise exporte sa drogue aux États-Unis et personne n'est capable de neutraliser son instigateur Gaëtan Zampa (Gilles Lellouche) et ses dangereux hommes de main. Depuis qu'un nouveau juge du grand banditisme (Jean Dujardin) a été nommé en sol français, les méchants ont pourtant de bonnes raisons de trembler...
Cette histoire vraie traitée comme une classique biographie filmée réserve quelques moments potables dans sa première demi-heure. Sans être un cinéaste extrêmement talentueux (il a coréalisé l'inabouti Aux yeux de tous et scénarisé le très oubliable Scorpion), Cédric Jimenez sait généralement où placer sa caméra et il développe avec savoir-faire cette plongée dans le monde interlope à grand coup de couleurs brunes, grises et noires, époque oblige. Trop rapidement, sa mise en scène devient télévisuelle, n'offrant que le minimum requis, bien en deçà par exemple de celle de la série Braquo. Impossible de ne pas sourire devant ces plans-séquences de discothèque trop arrangés où le figurant n'arrive pas à s'enlever à temps du chemin du héros.
Le récit aurait dû se concentrer sur le travail, l'investigation policière, la corruption des élites et la vente de narcotiques. Il a toutefois tendance à élargir ses tentacules dans la sphère privée, révélant les amours compliqués de ces hommes obsédés par leur style de vie. C'est à ce moment que l'intérêt en prend pour son rhume. Les clichés apparaissent avec leurs gros sabots, piétinant tout ce qui se trouve sur leur passage. Le sentimentalisme lève le coeur, spécialement lors de la finale qui massacre une si belle composition de Max Richter. Les quelques détours à New York en deviennent notamment redondants, car ils ne servent finalement qu'à multiplier les clins d'oeil à l'opus oscarisé de William Friedkin.
Jimenez qui a conçu le scénario avec Audrey Diwan semble d'ailleurs adorer ces liens cinématographiques qui sont loin d'être fortuits. Par son traitement, son cheminement, son découpage et son montage, La French ressemble trop souvent à une pâle copie de Heat, l'immense fresque de Michael Mann. Il y a même cette unique rencontre à mi-chemin entre les deux comédiens et cette envolée par la suite sur la musique électronique qui ne peut que faire écho à Moby. Ce n'est pas très subtil et ce n'est même pas bien fait.
Évidemment, Jean Dujardin et Gilles Lellouche ne sont pas Al Pacino et Robert De Niro. Ils sont généralement convaincants en mode comique et beaucoup moins lorsqu'il est question de sérieux et d'émotions. Les deux interprètes livrent d'ailleurs des prestations un peu inégales, se laissant emporter par quelques mimiques qui balancent momentanément l'ensemble dans la farce et la parodie. Il est aussi dommage que le réalisateur n'ait pas voulu miser davantage sur leur immense ressemblance physique. Il y avait là un filon d'or sur l'identité et l'identification à exploiter, comme l'avait fait John Woo avec Face/Off.
En tant que superproduction française, La French est loin d'être la plus insultante du lot. Le minimum garanti est de la partie et il y a même un côté série B qui est loin d'être désagréable. Mais dès que l'on commence à y réfléchir pendant plus de trois secondes, le film n'a pas de sens. Surtout à côté du travail de l'ancien flic Olivier Marchal qui avait frappé fort il y a une décennie avec 36 Quai des Orfèvres. Un face à face entre Daniel Auteuil et Gérard Depardieu, c'est quand même mieux qu'entre Dujardin et Lellouche, non?