Qui n'a jamais rêvé secrètement de faire l'ascension de l'Everest, le mont le plus élevé de la planète? En toute sécurité de surcroît? C'est ce que propose ce récit plus grand que nature qui est évidemment inspiré d'une histoire vraie. Celle de plusieurs équipes d'alpinistes amateurs et professionnels qui, en 1996, ont dû affronter une terrible tempête. Non, ce n'est pas tout le monde qui s'en est sorti vivant...
Avant de découvrir qui est mort du froid ou qui a manqué d'oxygène, il faut se farcir une très longue première heure (et même plus) où il ne se passe presque rien. Les gens se réunissent et s'entraînent, développant leur esprit d'équipe et leur endurance. C'est à ce moment clé qu'en temps normal, le spectateur s'attache aux personnages pour pouvoir ensuite vivre avec eux leur souffrance. C'est malheureusement impossible avec ce film tant les individus ne sont esquissés que sommairement. Il y a le guide qui va bientôt être père (Jason Clarke) et son meilleur ami (Sam Worthington), un rival un peu cinglé (Jake Gyllenhaal), un Texan qui n'a pas froid aux yeux (Josh Brolin), un homme introverti (John Hawkes), etc. Hormis cette valeureuse Japonaise (Naoko Mori) qui tente la montée, les femmes sont toutes reléguées au téléphone. Emily Watson, Robin Wright et Keira Knightley n'existent que pour apporter une fibre émotionnelle. Faire pleurer en bon français, ce qu'elles n'arrivent jamais à faire puisque le cinéphile n'éprouve absolument rien face aux grimpeurs déchus et qu'il ne se fera pas manipuler par ce générique de fin qui mise sur des images de bébé pour soutirer des larmes.
On n'embarque pas dans cette odyssée pour sa trame narrative classique qui emprunte directement aux films catastrophes (les douteux des années 90, pas ceux plus valeureux des années 70), mais pour cette façon de voir le mont avoir droit de vie et de mort sur quiconque met le pied sur son sol. L'éternel combat entre l'Homme et la Nature fait rage et qui ose se prendre pour Icare en voulant aller trop haut se brûlera les ailes en payant le prix de sa vie ou de sa chair. L'Everest est le véritable héros et c'est sa beauté, sa rigidité implacable et sa folie féroce qui sont magnifiquement filmées. Et qui ressortent plus que favorablement en 3D et en IMAX, faisant vibrer avec ses bourrasques de neige, de glace et de froid.
L'effet vertigineux n'est cependant pas toujours au rendez-vous et on n'y retrouve ni l'intensité de survie d'un Gravity ni le soin presque poétique apporté à Mad Max: Fury Road. Comme les sens ne sont pas tous en ébullition, on a le temps de réfléchir entre deux scènes d'action et c'est là que tous les petits défauts ressortent. Pourquoi tout le monde laisse-t-il Josh Brolin à moitié gelé sur le bord de la route au lieu de l'aider? Comment se fait-il que la téléphonie de cet Himalaya complètement déréglé climatiquement de 1996 semble plus stable que celle de 2015 au Québec? Et qui a eu l'idée de réduire les riches compositions musicales de Dario Marianelli (surtout connu pour son travail avec Joe Wright) en clafoutis sucrés et mielleux? L'Islandais Baltasar Kormakur qui a été révélé par le jouissif 101 Reykjavik fait généralement du bon travail à la réalisation et s'il s'est amélioré depuis ses regrettables 2 Guns et Contraband, il n'a pas toujours le talent de son ambition, sabotant des moments plus sensibles en se prenant par exemple pour un clone de Terrence Malick.
Everest rappelle trop cruellement l'incapacité de faire un bon film d'escalade en montagnes. Le documentaire a ses références avec Touching the Void et le récent Meru, alors que la fiction doit se contenter de Vertical Limit et autres Cliffhanger. Il y a bien l'effort allemand North Face qui est très réussi, mais qui n'a pratiquement pas été vu. Valable à ses heures, cette nouvelle aventure qui tourne au cauchemar manque de moments épiques pour en faire un réel spectacle digne de ce nom.