Depuis l'invasion américaine en Irak et en Afghanistan, le film de guerre est revenu à la mode. Ironiquement, les longs métrages les plus intéressants ont mordu la poussière (In the Valley of Elah, Stop-Loss) alors que les plus tendancieux (The Hurt Locker et ses Oscars, American Sniper et son immense succès au box-office) ont attiré l'attention. La seule exception étant le sublime Zero Dark Thirty qui a été accusé de faire l'apologie de la torture...
Good Kill prend l'affiche dans cette zone accidentée et bien remplie et espérons que son accueil soit salutaire. Sans tout révolutionner sur son passage (ce n'est tout de même pas The Thin Red Line), le long métrage pose d'excellentes questions sur l'engagement, le patriotisme et le combat armé. Habitué à faire la guerre sur le terrain, un ancien pilote (Ethan Hawke) est aujourd'hui réduit à conduire des drones qui détruisent l'ennemi à distance. De Las Vegas, il a le pouvoir de vie et de mort sur des gens qui sont au Pakistan et au Yémen. Une tâche qu'il commence à détester, surtout depuis que ses supérieurs lui demandent d'effectuer des actions de plus en plus sanglantes.
La première partie du récit s'apparente à Lord of War, un précédent film du cinéaste Andrew Niccol. Il y a de l'humour noir à revendre, de l'ironie et une bonne dose de cynisme. La description de ce "métier" verse allègrement dans la satire, celle qui fait rire et trembler tout à la fois. Où le réel n'est qu'un jeu vidéo et où l'omniprésent Bruce Greenwood trouve une partition à sa hauteur en patron qui est divisé entre les ordres et son humanité.
Le transfert vers le drame s'opère graduellement. Le protagoniste devient de plus en plus troublé, n'arrivant plus à opérer dans le registre donné. Il se questionne sur son apport et celui de son pays. Face à des actes meurtriers désensibilisés où la pression d'un simple bouton équivaut à la destruction de dizaines de personnes, où se trouve cette notion de justice? Et cette guerre propre ne forme-t-elle pas les terroristes de demain? Des réflexions généralement probantes malgré quelques égarements qui sont façonnées par un scénario complexe qui dépasse la simple notion d'être pour ou contre l'engagement militaire.
En donnant presque autant d'importance à l'aspect privé du pilote, l'ouvrage n'évite pas certains pièges. Ces scènes de ménage ne sont pas nouvelles, ni cet abus d'alcool et encore moins ce flirt avec une collègue de travail. Ce n'est toutefois jamais trop gros, trop évident. Suite à une série d'échecs (impossible d'oublier The Host et In Time), le metteur en scène Andrew Niccol se reprend d'une belle manière. Sa réalisation est sobre et efficace et il trouve même le moyen d'évoquer Gattaca, qui demeure encore à ce jour sa plus grande réussite. En ramenant son héros Ethan Hawke qui se bonifie au fil des années et en lui offrant le rêve et le désir de quitter cette société astreignante pour simplement retourner vers le ciel.
Good Kill est donc un peu ce qu'American Sniper aurait dû être: un opus émouvant et ingénieux sur la disparition des balises qui gèrent les guerres et qui ont de terribles répercussions sur les sociétés et les humains d'ici et d'ailleurs. C'est ce qu'on appelle mettre le doigt sur le bobo et en cette période de l'année, ça fait un bien fou.