Mars 2010. Le ruban blanc et Un prophète sont pressentis favoris pour décrocher l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. À la surprise générale, un long métrage argentin s'est faufilé entre ces deux mastodontes. Sans être aussi étincelant que ses illustres et sublimes compétiteurs, The Secret in Their Eyes a remporté la prestigieuse statuette. Un sacre remarqué et remarquable pour une excellente oeuvre qui se voit aujourd'hui gratifier d'un remake américain.
S'il est toujours question d'un agent de la loi tenace (Chiwetel Ejiofor) qui en pince pour sa supérieure (Nicole Kidman), son enquête porte plutôt sur le meurtre et le viol de la fille d'une collègue (Julia Roberts). Un trio qui s'enfonce dans une nuit sans fin où la justice n'est pas toujours rendue.
Ce qui frappe immédiatement est la façon d'adapter cette histoire qui est à la base un roman d'Eduardo Sacheri. La transposition s'effectue en 2002, dans une Amérique toujours traumatisée par le 11 septembre et qui n'arrive jamais, malgré les années qui s'écoulent, à cicatriser les plaies de cette tragédie. Un contexte primordial et fascinant, mais trop souvent tenu dans l'ombre, le scénario préférant mettre l'emphase sur l'enquête policière et le suspense.
En fait, tout se retrouve dans le broyeur. Les magnifiques romances croisées, la réflexion sur le passé et le désir de recréer les souvenirs comme chez Alain Resnais et même le développement des personnages. Il y a un crime violent, un héros obsédé, une multitude d'ellipses mécaniques et la production a tôt fait de s'écrouler sous le poids de ses invraisemblances.
Peu à l'aise dans ce registre, Chiwetel Ejiofor - pourtant si brillant dans 12 Years a Slave - manque de charisme et de crédibilité. La chimie passionnée ne passe tout simplement pas avec Nicole Kidman qui est toujours aussi froide que d'habitude. Seule Julia Roberts arrive à soutirer un peu d'émotions, quoiqu'elle aurait peut-être dû échanger son rôle avec sa collègue féminine afin de briller davantage.
Ressemblant parfois plus à un épisode d'une série télévisée quelconque que d'une variation sur True Detective ou Anatomie d'un double crime, la réalisation déçoit par son manque de panache. Le cinéaste Billy Ray renoue peut-être avec les mensonges, les apparences et la fascination du faux qui rendaient si intéressants ses précédents Breach et Shattered Glass, sauf que l'ensemble n'est guère reluisant. Sa vision est fade, conventionnelle et il ne faut surtout pas s'attendre à retrouver la mise en scène sophistiquée et l'inoubliable plan-séquence du match sportif qui figurait dans l'original.
Le remake est un art en soi que peu de gens arrivent à réussir. Même sans savoir ce qui a été fait avant, la version de 2015 de Secret in Their Eyes ne tient pas la route avec sa progression tarabiscotée, son casting saboté et sa finale consternante. Mais si en plus on a vu le très beau film argentin qui l'a précédé, alors là le désenchantement est total.