En dehors de la comédie, le biopic est probablement le genre le plus difficile à réussir. Non seulement il a l'ambition de faire connaître une personne au destin extraordinaire, mais il prétend y réussir en seulement deux heures. Cela cause souvent des problèmes d'ordre cinématographique (on entend souvent les pages du roman tourner) et scénaristique (éviter l'anecdote ou le résumé de Wikipédia s'avère difficile). Des problèmes que l'on retrouve malheureusement dans Chocolat.
Le récit qui est inspiré du livre Chocolat, clown nègre: l'histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française de Gérard Noiriel est pourtant digne d'intérêt. On retrace le parcours de cette figure trop peu connue (Omar Sy), d'abord dans ses débuts où il formait un duo loufoque avec un camarade (James Thierrée), avant de faire fortune au sein d'un immense cirque de Paris. Insatisfait d'être populaire parce qu'il « se fait botter le cul par un Blanc », Chocolat a voulu qu'on le prenne au sérieux en jouant Othello...
Les thèmes intéressants et nécessaires fourmillent dans ce film et ils sont toujours d'actualité. Le racisme est pourfendu sans aucune subtilité, tout comme le rejet de ce qui est différent. Il y a même une réflexion sur l'art, le dramatique qui doit absolument marquer son époque et le comique, plus rassembleur, mais jugé inférieur. Des idées importantes qui sont cependant noyées dans une soupe un peu trop fade aux épices consensuelles.
La mise en scène académique ornée d'effets visuels criards et artificiels dans sa reconstitution d'époque (la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle) surprend et déçoit de la part du cinéaste Roschdy Zem. Ce comédien impeccable a toujours privilégié un style sobre lorsqu'il se trouve derrière la caméra (comme en fait foi son très fort Omar m'a tué, autre biopic, mais beaucoup plus nuancé et de meilleure qualité) et il se laisse aller à des excès en tout genre qui servent rarement le film.
Au moins il demeure un excellent directeur d'acteurs et sa distribution secondaire qui regroupe Olivier Gourmet, Clotilde Hesme, Alice de Lencquesaing, Noémie Lvovsky, Frédéric Pierrot ainsi que les frangins Podalydès en frères Lumière est d'un goût exquis. Surtout qu'il a eu le génie de s'entourer de James Thierrée pour ce rôle qui aurait dû être davantage développé. Il s'agit du petit-fils de Charlie Chaplin, ce qui confère au personnage un aspect iconique qui lui va comme un gant. Évidemment, la véritable star est le charismatique Omar Sy qui affiche une forme splendide. Comme dans Intouchables et Samba, il doit absolument partager la vedette avec un partenaire blanc, ce qui rappelle que le cinéma français a encore des croûtes à manger en terme d'égalité.
Abdellatif Kechiche avait traité d'un sujet similaire sur son magistral Vénus noire. Plus mou, tiède et quelconque, Roschdy Zem ressort un peu la poutine attendue en s'adressant au plus large dénominateur commun. Bien fait et solidement interprété, Chocolat souffre de son classicisme, ce qui met davantage en évidence ses défauts - comme les clichés proéminents et les dialogues simplistes - que ses nombreuses qualités. On pourra toujours dire qu'on a découvert quelqu'un en allant aux vues, ce qui n'est pas faux. Sauf que le véritable Chocolat méritait probablement mieux.