Emmanuel Mouret possède une des plus belles plumes du cinéma contemporain. Personne ne manie le verbe comme lui, laissant triompher le désir par les mots. Il le fait avec musicalité et sans cynisme, usant d'une élégance et d'une authenticité qui pourraient paraître ridicules et désuètes mais qui, au contraire, s'avèrent si justes et éloquentes. Plus personne ne se dit des phrases telles "En choisissant d'être fidèle, tu choisis de me faire du mal" et c'est bien dommage. Ce n'était pas rare chez Rohmer et le fils spirituel a décidé de marcher dans les pas du maître.
À l'instar de Woody Allen avec lequel il partage beaucoup de choses, ses films se suivent et se ressemblent. Il est toujours question de passion et de raison, du rôle du hasard et de la chance. Des destinées sentimentales hasardeuses où bonheur et mélancolie se superposent et où le coeur palpite constamment comme une girouette. Il n'y a ni bon ni méchant : que des êtres imparfaits qui aspirent à la sérénité et qui n'y arrivent jamais complètement.
Délaissant momentanément le drame à Truffaut qu'il avait exploré sur son précédent et fort réussi Une autre vie (le spectre du créateur des 400 coups plane pourtant partout sur cette production d'une autre époque), le cinéaste propose avec Caprice une autre plongée comique et romantique dans la difficulté d'être heureux en couple. Un prof (Mouret) a toutes les raisons d'être bien en partageant son existence avec une comédienne connue (Virginie Efira), sauf que le doute s'installe par l'entremise de la flamboyante jeune actrice Caprice (Anaïs Demoustier). Comme si ce n'était pas assez compliqué, son meilleur ami (Laurent Stocker) qui est également le parrain de son fils et son patron n'est pas insensible aux charmes de son amoureuse...
Ces élans du coeur où tout peut arriver sont agrémentés d'une réflexion sur le théâtre comme art de la vie. Un peu plus et on se croirait dans l'excellent Va savoir de Jacques Rivette. Mouret va évidemment ailleurs, explorant ses obsessions qui ne sont pas neuves, mais qui demeurent toujours aussi charmantes et savoureuses. Ses dialogues fondent dans l'oreille comme des alexandrins enchanteurs. Ce qui est dit fait d'abord rire et progressivement, l'émotion se glisse aux commandes. Cela se fait au fil d'un récit un peu long et répétitif qui fait toutefois mouche à chaque coup. L'humour physique façon Blake Edwards - moins exagéré que dans son Fais-moi plaisir! - n'a cependant pas le même effet, bien qu'il ne soit pas déplaisant pour autant.
Sorte d'Antoine Doinel ou de Monsieur Hulot des temps modernes qui n'évolue plus avec les années, Emmanuel Mouret semble toujours jouer les mêmes personnages. Un héros gauche, naïf et nerveux avec lequel il est si facile de s'identifier et qui ne laisse personne indifférent. Ses détracteurs sont nombreux, tout comme ses admirateurs qui le suivront presque n'importe où. Plus que témoin impuissant, il a la possibilité d'agir sur les autres, ce qu'il fait timidement, à l'instar de Laurent Stocker, autre alter ego du réalisateur. Ce sont véritablement les femmes qui ont le contrôle et Anaïs Demoustier le prouve en incarnant un être aussi attachant qu'énervant. C'est elle qui vient semer le trouble avec sa frimousse de feu et sa partition contraste avec celle plus irréprochable de Virginie Efira qui trouve enfin un rôle à sa mesure.
Impossible de ne pas sortir de bonne humeur de ce Caprice qui fait un bien fou. Comme toujours chez Mouret, on ne va pas là pour sa mise en scène un brin poussiéreuse et théâtrale qui possède pourtant son lot de qualités (l'utilisation des ombres, par exemple), mais pour son grand talent de dialoguiste. Et si la surprise de Changement d'adresse et la fraîcheur d'Un baiser s'il vous plaît ne sont plus au rendez-vous, il offre une de ses oeuvres les plus agréables en carrière, faisant aisément pardonner le faux pas de son film à sketches L'art d'aimer.