Astérix en 3D. L'idée peut paraître bizarre et saugrenue. Pourquoi changer une formule gagnante qui a fait ses preuves? Ce sacrilège n'est pourtant pas le seul derrière l'adaptation animée du Domaine des Dieux.
Les images sautent tout de suite aux yeux. Pour quelles raisons faut-il mettre des lunettes alors que la 3D ne sert strictement à rien? Mode de l'époque, lorsque tu nous tiens en otage... Mais il y a plus. Le dessin n'est plus le même. Il est gonflé, modifié, ressemblant à de gros ballons. La simplicité du trait est disparue, étant remplacée par des figures sans âme qui tentent de recréer un vestige référentiel du passé. Pour saboter l'héritage d'Albert Uderzo, il n'y a pas mieux.
Si ces changements ne s'appliquaient qu'à ça, on aurait pu s'habituer. Sans doute. Peut-être. Sauf qu'il y a bien pire. Dès que les personnages ouvrent la bouche, ce sont les oreilles qui en souffrent. Pas du côté d'Astérix qui est toujours bercé par Roger Carel (qui a prêté son timbre vocal si reconnaissable à toutes les précédentes transpositions et qui vient tout juste d'annoncer sa retraite). Mais chez Obélix, le ton de Guillaume Briat est problématique. Ce personnage, imposant, ne ressort pas du lot. Il aurait pu être fait par n'importe qui. Pourtant Obélix est le coeur des aventures des irréductibles Gaulois. En ne lui donnant pas une voix à la hauteur de ses rondeurs, c'est passer à côté de l'essentiel. Le reste du doublage va du potable à l'oubliable, alors que les voix les plus reconnaissables - Alain Chabat, Laurent Lafitte et compagnie - prennent bien peu de place.
C'est dommage que ces bêtes noires soient si présentes et importantes, car Le domaine des Dieux est une excellente bande dessinée et son scénario amusant est plutôt bien reproduit. On donne peut-être trop d'importance à des personnages bien secondaires (ce couple de Romains qui a déménagé) qui sont de simples prétextes à prendre le spectateur par la main, sauf que l'essence du texte original de René Goscinny a été conservée. Il est toujours question de Jules César qui tente d'asservir les Gaulois en construisant d'immenses tours qui seront remplies de citoyens romains. Le discours sur l'hégémonie du plus grand sur le plus faible n'a pas pris de rides, ni celui sur le capitalisme sauvage, le commerce à outrance et la nécessité de protéger ses racines et de résister. Le tout est adapté au goût du jour à l'aide de gags gentils et naïfs. Le travail des réalisateurs Louis Clichy et Alexandre Astier (dommage que son expertise sur la délirante série Kaameloot ne se fasse pas plus ressentir) ne paye peut-être pas de mine, ce qui n'empêche pas les fabuleux jeux de mots d'être toujours de la partie.
Il est clair qu'Astérix: Le Domaine des Dieux s'adresse d'abord et avant tout aux plus jeunes. À ceux qui n'ont pas vraiment connu les livres et qui sont nés dans la 3D et les animations à la Toy Story. Ceux-là seront sans doute satisfaits même s'ils se heurteront à un rythme moins trépidant que chez Pixar et DreamWorks. Les autres regretteront évidemment tous les classiques passés, faisant l'impasse sur la voix d'Obélix et les images sans charme en tentant de voir le verre à moitié plein. Ce sera pourtant bien difficile.